Industrial Property Bill : Une loi qui favorise les monopoles au détriment des Mauriciens

L’Industrial Property Bill, qui a été débattu à l’Assemblée nationale mardi dernier, va apporter un changement important dans l’enregistrement des marques déposées à Maurice à travers l’adoption du Protocole de Madrid de 1989. Cependant, là où le bât blesse, c’est que ce serait au détriment des consommateurs mauriciens.

La clause 115(d) de l’Industrial Property Bill donnera, entre autres, effet au Protocole de Madrid de 1989, qui concerne l’enregistrement international des marques. Valeur du jour, Maurice n’est pas encore membre du Protocole.

Sous le Protocole de Madrid, si une entité étrangère veut enregistrer sa marque à Maurice, il devra d’abord faire l’enregistrement dans son pays d’origine et ensuite faire une application internationale à la World Intellectual Property Organisation (WIPO). S’il n’y a aucune objection, la WIPO liaisera avec l’Industrial Property Office à Maurice et la marque sera effectivement enregistrée.

Le Protocole de Madrid vient changer la donne. Dorénavant, pour l’enregistrement d’une marque étrangère, on n’aura pas besoin de retenir les aux services d’un homme de loi mauricien ou d’un ‘trademark agent’ basé à Maurice. Ce qui implique des pertes de revenus pour les représentants juridiques et les agents de marques locaux, comme le fait ressortir le député Reza Uteem (MMM) à l’assemblée, lors de son intervention sur le projet de loi. Reza Uteem a ainsi demandé que le Protocole de Madrid ne soit pas adopté à Maurice, car ce serait au détriment des consommateurs mauriciens.

« On aurait pu avoir des pièces de réchange automobiles à moins cher »

Le député mauve devait ainsi attirer l’attention sur les ‘parallel imports’. Sous la loi existante, quiconque voulant importer des produits d’une marque déposée doit obtenir en premier lieu l’accord du représentant de la marque en question. Cela dans tous les domaines car autrement, et il s’agirait de contrefaçon, illégale et réprimable sous la loi.

L’impact pour les consommateurs se démontre surtout dans la vente des pièces de réchange automobiles. Ainsi, Reza Uteem est d’avis qu’on doit, dans l’intérêt des consommateurs, encourager l’importation des pièces automobiles originales, si des importateurs peuvent le faire, et les revendre ainsi à un prix moins cher que les distributeurs officiels.

La demande pour les pièces automobiles, surtout celles des véhicules de seconde main, ne cesse d’augmenter et les représentants agréés n’ont pas de grands stocks. Les clients doivent attendre des mois et des mois avant qu’ils ne reçoivent leurs pièces. Et ce, à des prix exorbitants. Le contrôle des prix est inexistant et le projet de loi encouragera cette pratique.

« Le monopole sur l’importation des pièces automobiles sera protégé sous cette loi  et on ne doit pas céder à ça, » estime Reza Uteem. Il devait ajouter que quelques années de cela, un importateur avait importé des pièces de la marque Nissan mais, à sa surprise, il avait été sanctionné.

Il est donc hors de question qu’on amende cette partie de la loi existante. Selon Reza Uteem, le ‘Senior Counsel’ qui avait représenté l’importateur mentionné plus haut, est aujourd’hui un membre du Cabinet. Ce dernier est au courant que cette loi est contre le commerce libre et la compétition, mais il continue à faire l’aveugle, alors qu’il a en ce moment même, la chance d’empêcher l’adoption de la loi.

La loi aura un impact sur les prix des médicaments, déjà exorbitants

Le domaine pharmaceutique sera lui aussi affecté par cette loi. Selon Reza Uteem, des rapports publiés ont révélé que plusieurs pays africains pourraient mieux combattre le VIH-Sida si ces pays importaient des médicaments efficaces de l’Inde, à coûts réduits. Des consultants internationaux avaient même conseillé d’adopter un ‘International regime for exhaustion of trademark rights’. Pourquoi le gouvernement fait-t-il la sourde oreille à ces conseils ? Est-ce pour protéger les ‘gros requins’ qui veulent tout monopoliser ? La question reste posée !

Réactions

Samson Motors Ltd : « Gouvernement pe guet 1 sel lizier »

Le directeur de Samson Motors nous livre son avis: « Nous sommes des experts en matière de pièces automobiles depuis plus de quatre décennies et nous savons tous les rouages dans ce domaine. La majorité des agences accréditées vienne acheter leurs pièces chez nous. Avec ce système de monopole, les produits que je vends à, disons Rs 100, reviendront aux consommateurs dorénavant à Rs 300. Ce qui veut dire que cette loi prônera une majoration des prix. Le gouvernement ‘pe guet 1 sel lizier’. Mes véhicules viennent du Japon tandis que ceux des agences viennent de l’Inde. On doit casser ce monopole et laisser les consommateurs d’avoir le choix libre pour avoir une meilleure qualité à un prix moins cher. »

An-Noor Pharmacy : « Ce sera bien d’accorder à autrui l’approbation d’importer » 

Un responsable de la pharmacie An-Noor nous a fait comprendre que l’enregistrement est bien mais cela incarne quand même des risques. « S’il y a deux importateurs d’un médicament dit X, ce sera bénéfique de faire enregistrer X pour ne pas faire face aux différences de prix. Deux importateurs peuvent pratiquer deux prix différents. Les répercussions sont ainsi à notre niveau. Les gens ont tendance à croire que les pharmacies pratiquent des prix différents tandis que le problème est au niveau de l’importation. Toutefois, ça dépend sur la qualité des médicaments. Les mêmes emballages ne veulent pas dire que ce sont les mêmes produits. Cependant, ce sera bien d’accorder à d’autres personnes capables d’importer elles aussi des médicaments qu’elles pourront vendre à moins cher pour le bénéfice des consommateurs. »