Immuable, il hèle « pistaches bouillies» depuis 30 ans

Vous l’avez sans doute croisé à la gare Victoria…

A 75 ans, le repos n’existe pas pour lui. Cet habitant de Camp Chapelon, vend des « pistache bouillies » depuis une trentaine d’années. Wahed Karrimbacus, père de 5 enfants a subvenu aux besoins de sa famille grâce à ce commerce, qui disparaît peu à peu de la société mauricienne. Il nous livre son parcours.

A la gare Victoria, on le croise souvent dans des autobus. Muni de son panier rempli de sachets de pistaches bouillies, Wahed fait un saut rapide dans les bus à la recherche d’acheteurs potentiels, souvent des ‘gros mangeurs de pistaches’. D’une voix faible, il offre  ses pistaches en vente : « Bonzour misié, bonzour madame, bonzour mamzel, enn ti pistas bouille ? ». Cette invitation, il la répétera tout au long de la journée. Pour se protéger contre le soleil de plomb, le marchand se couvre d’une casquette. Son visage toutefois exposé au soleil témoigne la dureté de la vie. Des rides et des sillons se sont creusés progressivement dans son visage. Il s’assied pendant un moment sous l’ombre d’un arbre de bois noir à la gare Victoria, pour se reposer. Il lui arrive de prendre du repos de temps en temps, avant de reprendre son activité éreintante. Mais il a rarement le temps pour contempler les activités autour de lui. Il reste fixé sur son objectif : vendre tous les sachets qu’il lui reste. A midi, il ne lui reste que quelques-uns et Wahed se hâte pour rentrer à la maison. Ce jour-là, on arrive quand même à lui parler pendant son heure de repos.

« Mo ti pé travay Municipalité…»

Lorsqu’on lui demande s’il a toujours fait ce métier, le septuagénaire nous répond ceci :« Mo ti pé travay Municipalité lontan. Mo ti pé faire rebord pou couvert canal. Ti enn travay bien fatiguant sa. Mo ti éna 26 ans sa lepok la. Enn zour dan mo ale zuer football, monn tomber. Mo la main inn casser. Mo finn bizin opérer et mette vice dan la main. Dépi sa zour-là, monn nepli kapav faire travay lourd. Monn gagne désarz enn semaine après cyclône carol. Sa lepok la pas ti ena emtel, mo ti téléphone enn camarade dépi l’hôpital pou faire banla conner lakaz kot moi kimonn gagne désarz», relate-t-il.

Après quatre mois d’hospitalisation, il se retrouve contraint de trouver un métier qui lui conviendra. C’est alors que Wahed a eu l’idée de vendre des pistaches. Il est donc parti au marché Central pour en acheter. Cela lui coutait 18 sous la livre. Aujourd’hui, un kilo lui revient à Rs 80, un prix qu’il trouve cher d’autant qu’il doit en acheter 6 livres et demi. Mais il en prit quelques livres dans un premier temps. Cet habitant de Camp Chapelon nous confie qu’il y a pas mal d’étapes à suivre pour la préparation des pistaches bouillies.

La préparation

« Bizin mett tremper pou tirr tout so banne la terre rouge et so banne ti baton. Lerla mett dans enn deksi pou lave li au moins 5 coute ziska li vinn propre », nous explique-t-il. Le marchand se lève à 5h30 tous les jours pour la cuisson. Il lave les pistaches une dernière fois avant de les mettre à bouillir dans de l’eau ajoutée à du sel. Une fois que c’est fini, il ne reste qu’à les mettre dans des cornets.

L’endroit idéal pour vendre des pistaches au bord de la mer, nous dit Wahed. Il en vend beaucoup surtout en été où les plages grouillent de monde. Auparavant, ce pensionnaire vendait sur les plages de St Antoine, Cap Malheureux ou de Mont Choisy. Aujourd’hui encore, il s’y rend les dimanches. Malgré son âge avancé, le marchand a une mémoire d’éléphant. Il nous raconte comment un jour il a perdu connaissance à la plage, sa tension artérielle était élevée. Des personnes ont dû l’emmener à l’hôpital.

Cependant, il ne peut pas oublier le bon vieux temps lorsque son épouse feue Farida Bibi Abdool lui apportait son repas. « Mo madame ti pé amène manger avec imper pepsi pour moi kan mo ti pe vender la plage. Nous assize lor banc tout les deux. Après nous prend bus nous arrête Plaine Verte lerla nous marcher nous ale lakaz », se remémore-t-il. Sa femme n’est plus. Wahed nous confie que sa femme est décédée il y a deux ans. Il avait déjà quitté sa demeure quand il apprit la nouvelle. Muni d’une bonne dose de courage et de détermination, il a continué son chemin même si cela n’a pas toujours été un lit de roses.