Hausse du taux de chômage: Préoccupant!

• Au 31 mars, le nombre de chômeurs était 38 636 dont 14 060 jeunes âgés entre 16 à 28 ans

Le taux de sans-emploi est en constante hausse et devient de plus en plus inquiétant. Considéré comme un véritable fléau, le chômage commence à impacter sérieusement sur la vie des gens et la bonne marche de la société. Après avoir complété leurs études secondaires, de nombreuses jeunes poursuivent leurs études tertiaires dans le but de trouver facilement un emploi. Or, depuis quelques années, on note que ceux qui ont terminé leurs études éprouvent toutes les peines du monde à trouver un emploi à Maurice. On constate même une hausse des gradués chômeurs dans le pays. N’arrivant pas à trouver un emploi à la hauteur de leurs aspirations, certains d’entre eux n’hésitent pas à accepter un ‘petit boulot’ pour pouvoir rembourser leurs dettes ou pour avoir ‘un argent de poche’.
Pour certains, y compris des syndicalistes, le gouvernement doit impérativement attirer des investisseurs locaux et étrangers, qui sont des pourvoyeurs d’emplois. D’autres estiment qu’il faut baisser l’âge de la retraite de 65 à 60 ans, ce qui permettra au gouvernement de recruter des gens dans le secteur public. Des syndicalistes situent également l’importance de la formation, qui permettra aux jeunes de trouver un emploi.
Selon Statistics Mauritius, en 2015, le nombre de travailleurs se chiffrait à 538 000 (7,9%) contre 530 900 (7,8%) en 2014. Les chiffres de l’Employment Division du ministère du Travail, au 31 mars 2016, démontrent que le nombre de chercheurs d’emploi (tous groupes d’âges confondus) représente 24 576, soit 7 815 hommes et 16 761 femmes. Le nombre de jeunes personnes, âgées entre 16 et 28 ans, est de 14 060 , à savoir 5 437 hommes et 8 623 femmes.

Réactions de quelques syndicalistes et gradués chômeurs :-

Ashok Subron : «Le gouvernement doit prôner une politique de recrutement pour baisser le taux du chômage à Maurice »

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Le président de « Rezistans Ek Alternativ », Ashok Subron, avance plusieurs raisons pour réduire le taux du chômage à Maurice. Premièrement, il insiste sur le fait que le gouvernement doit prôner une politique de recrutement au sein du secteur public et encourager le secteur privé à recruter davantage de jeunes qui sont en quête d’emploi.
Il ajoute aussi que les corps paraétatiques doivent cesser de recruter des travailleurs sur une base contractuelle comme cela se passe à la Central Water Authority (CWA) et dans les établissements scolaires du pays. Il a poursuivi en disant que, depuis quelque temps, nous avons noté une prolifération des travailleurs contractuels dans le pays. « Il y a un abus et il faut empêcher cette prolifération. La tâche incombe au gouvernement de remédier à la situation dans les meilleurs délais vu que de nombreuses jeunes personnes cherchent un emploi », dira notre interlocuteur qui a demandé au gouvernement d’apporter des législations nécessaires et appropriées pour empêcher des abus dans le secteur concerné.
Mettant l’accent sur le programme gouvernemental, Ashok Subron a également lancé un appel au gouvernement de revoir la politique de l’âge de la retraite dans les secteurs public et privé, ce qui permettra de recruter des demandeurs d’emploi. Il a laissé entendre que le problème du chômage est en train de s’accentuer au niveau des jeunes. « Il y a aussi un problème de précarité. Faute d’obtenir un emploi, de nombreux jeunes sont exploités dans certains secteurs économiques du pays », a-t-il soutenu. Et d’ajouter que : « Ena possède banne degrés, mais zotte pé travail dans plusieurs secteurs pour gagne zotte la vie, mais zotte sous-payés. C’est vraiment dommage », a-t-il dit.

Reaz Chutoo : « La formation doit être incluse dans le curriculum scolaire sur une base professionnelle »

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Selon le syndicaliste Reaz Chuttoo, le chiffre du chômage semble être moins de 10%. « Techniquement parlant, on devait savoir comment on est en train d’interpréter le terme ‘chômage’. D’après le ministre du Travail, un chômeur est celui qui ne travaille pas. Or, selon les études menées par la Confédération des Travailleurs du Secteur Privé (CTSP), une personne sous contrat pour une période de 6 mois est un chômeur, parce qu’il est sous l’influence de l’emploi car ce genre de personne n’a pas une vie normale », déclare le syndicaliste.
Reaz Chuttoo déclare également que le secteur informel non déclaré vaut 230 000 personnes, c’est-à-dire 50% sur le chiffre total du secteur formel. C’est une preuve flagrante de la dégradation qualificative de l’emploi. Forcément le taux de chômage augmentera et cela aura un impact sur la vie des gens. « La CTSP propose énergiquement de créer de l’emploi pour les jeunes et c’est possible seulement si on ramène l’âge de la retraite à 60 ans afin de récolter des contributions dans le fonds de pension au NPF comme on le fait au salaire de base de Rs 10,000. De ce fait, après leur retraite, ils recevront une pension très élevée et ne seront pas dans l’obligation de retourner sur le marché du travail, laissant ainsi le champ libre aux jeunes », soutient-il.
Il a aussi fait comprendre que la formation doit être incluse dans le curriculum scolaire sur une base professionnelle à partir de la Form III ou la Form V et que la situation des travailleurs étrangers à Maurice doit être réglementée afin de ne pas pénaliser davantage les Mauriciens.
Et d’ajouter ceci : « Il y a pas mal de gens qui n’ont pas de choix et se jettent dans les ‘call centres’ avec un salaire dérisoire et ceux qui ont fait des études dans les finances travaillent dans les BPO Financial Services. Ils sont déçus parce qu’ils ont contracté des emprunts afin de poursuivre leurs études, mais ne peuvent plus honorer leurs dettes. Le gouvernement doit adopter un système de « benchmarking » dans le secteur administratif pour en finir une fois pour toutes avec ce phénomène qui guette notre société avant qu’il ne soit trop tard ».
Vu qu’il y a une psychose de «rodeur de boute » à Maurice, le syndicaliste lance un appel aux jeunes de ne pas tomber dans ce piège. « Au contraire, ils doivent faire entendre leur voix sans crainte et de ne pas se taire par peur de représailles », estime-t-il.

Lindsey Collen (LALIT) : « Le taux de chômage élevé sème la panique dans le pays »

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Pour Lindsey Collen de LALIT, le chômage est si élevé que les gens sèment la panique car ils ne sont pas confiants de leur futur ainsi que celui de leurs enfants. Elle déclare que la solution au problème du chômage est que le gouvernement doit arrêter la vente des terrains immobiliers pour que les propriétaires de ces terrains puissent créer de l’emploi en utilisant ce dont le pays dispose.
Elle soutient que les 48 000 personnes qui sont enregistrées auprès du bureau de l’emploi est une sous-estimation du chômage, qui ne reflète pas la réalité car les statistiques servent pour avertir les autorités des problèmes de masse.

D’après LALIT, il y a normalement deux séries de statistiques sur le chômage qui ne reflètent pas la vérité car il y a une sous-estimation de la réalité sur le terrain. La plupart des gens au chômage ne s’enregistrent plus, ce qui fait qu’il y a seulement 44 % auprès du Bureau de Statistiques de Maurice comme “chômeurs” car 56 % des gens ne le font pas.
Elle demande au ministre du Travail de lancer un débat à l’échelle nationale sur la vraie définition de l’«emploi » et le « chômage». Elle lance aussi un appel à la population de ne pas être induite en erreur par le taux de 7,9 % de chômeurs puisque, pour eux, pour être un salarié, quelqu’un doit seulement travailler une heure par semaine.

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Robert F : «Inacceptable que je suis sans emploi »

Robert F, un habitant de Fond du Sac, se plaint de son sort car, avec un MA en poche, il cherche toujours un emploi pour mener une vie convenable. Il déclare que c’est inacceptable qu’il soit sans emploi malgré son diplôme. «Ou capave imaginé mo fine commence assise lor banc lekol à l’âge de 3 ans. Zordi mo éna 22 ans et mo éna ène degré. Mo sans emploi. Mone extra décourager. Mo nepli conner ki pou faire. Mo parents fine fer boukou sacrifices pou mone arrive ziska là, mais tout dans vide », déplore-t-il.

Riad : « Le pays risque de connaître une explosion sociale »
Riad, un autre gradué, ne sait à quel saint se vouer pour pouvoir trouver un emploi. Il dit que c’est révoltant quelquesfois de voir que la plupart des jeunes personnes qui obtiennent un emploi sont des gens qui ont un soutien politique malgré qu’ils n’aient pas les formations requises. Il fait un pressant appel au gouvernement de faire de son mieux pour remédier à la situation afin que tout le monde puisse vivre et joindre les deux bouts sinon le pays risque d’avoir une explosion sociale.

Sanjana se bat jusqu’au bout pour trouver un emploi
Sanjana est une battante et très dynamique. Elle est chômeuse depuis bientôt deux ans. Elle a tout fait pour être embauchée pour pouvoir servir l’Etat, mais en vain. Or, elle ne baisse pas les bras et se bat jusqu’au bout pour trouver un emploi. Elle déclare : « Quand ou péna ène l’emploi ou fouti dans sa le monde-là. Personne péna considération pou ou. Comme si la vie fine arrêté pou moi. Quand ou péna cash personne pas donne ou. Quand ou rode travail, zotte dir ou bisin gagne l’aide bane grand petos dans sa pays-là. Bé pou ki raison nou fine apprane pou arrive cote nou été zordi ? Là oussi nou bisin backing pou trouve ène emploi, bé gaspillage nou fine apprane. Mo pa capave alle colle l’affiche pou gagne travay. Ki message nou pé donne nou bane jeunes zordi, li bien décevant en tou cas ».

Zafeer : “Je rêvais de devenir enseignant, mais je me suis retrouvé vendeur »
Assis dans la boutique appartenant à son père, Zafeer, 25 ans, habitant Terre-Rouge, nous raconte son calvaire. Il caressait le rêve de devenir enseignant depuis tout petit. Ali, son père, commerçant de profession, l’a toujours encouragé pour poursuivre ses études tertiaires. Après le collège, Zafeer entame ses études tertiaires en langue, pour une durée de trois ans. « La dernière année, était la plus dure avec le Research Project. Mais je me suis dit qu’il faut bien persévérer pour réussir », soutient-il.
Cependant, très vite il se rendra compte qu’en sus de la persévérance, il lui faudra beaucoup de patience avant de trouver un emploi. Cela fait déjà deux ans depuis qu’il a reçu son diplôme et il n’a toujours pas été embauché. Bien qu’il ait envoyé son CV dans plusieurs établissements secondaires privés il n’a pas été convoqué à des interviews. Aujourd’hui, il mène toujours son combat contre le chômage: « Je continue à envoyer mes applications à la PSC et mon CV dans des collèges, tout en gardant l’espoir que j’aurai un travail. Je rêvais de devenir enseignant, mais je me suis retrouvé vendeur », lance-t-il, plein de désespoir.

Hanna : « J’étais dégoûtée »
Après cinq ans au chômage, Hanna (nom fictif) vient d’être embauchée par la PSC. Maintenant qu’elle a retrouvé une certaine stabilité, elle nous fait part de ce qu’elle a vécu. Après le HSC, Hanna, habitante de la capitale, a pris des cours de computer dans le but d’intégrer le département administratif d’une compagnie publique ou privée. Cette jeune femme avoue être très déterminée dans sa quête de trouver un emploi, mais déclare qu’à un certain moment, elle perdait tout espoir : « J’étais dégoûtée », dit-elle. Ses parents qui ont, eux aussi, vécu ces moments durs à ses côtés, nous confie qu’ils ne supportaient pas l’idée de voir leur fille sans travail et que cela empirait la situation financière de la famille. Heureusement pour elle, Hanna a reçu sa lettre après cinq ans d’attente.

Sarah : « Avec un BA (Hons) History, j’ai travaillé comme ‘salesgirl’ »
Quand elle s’est rendu compte du marché du travail mauricien, c’était trop tard. Sarah, 25 ans, habitant Riche Terre, a été confrontée à la réalité de la vie après ses trois années d’études à l’Université de Maurice. Cette diplômée s’est retrouvée comme ‘salesgirl’. Elle a entamé ses études en History and Political Science, en 2010. Une fois sur le marché du travail, elle éprouve des difficultés à trouver un emploi. C’est là qu’elle réalisera qu’il n’y a pas de demandes pour l’étude qu’elle a faite à Maurice. Fille aînée d’une famille modeste, Sarah doit alors chercher un emploi pour subvenir aux besoins de sa famille. « Ène zour mone trouve ène annonce divan ène magasin. Li ti pé rode ène vendeuse ». Sans tarder, elle soumettra son CV et sera vite embauchée. Sans aucune expérience en marketing, elle se lancera dans cette nouvelle aventure.
Avec un salaire minimal de Rs 5 000, elle arrivera à contribuer financièrement à l’amélioration de la qualité de vie de sa famille. Toutefois, Sarah avoue qu’elle n’aurait jamais cru que même en ayant un diplôme, elle travaillerait comme vendeuse. À son avis, les Mauriciens ont tendance à croire qu’un diplôme c’est un passe-partout, alors que ce n’est pas le cas. Elle suggère que les jeunes soient mieux encadrés pour faire face au chômage. « Ti pou bon si ti éna bane programmes career guidance depuis collège, pou ki nous conné ki bane filières ki éna demande », soutient-elle. Aujourd’hui, elle a décidé de suivre un cours en marketing, une filière, qui, selon elle, lui ouvrira certainement d’autres portes. Elle ne peut s’empêcher de faire ressortir que si, au départ, elle avait choisi de faire une étude en marketing, cela lui aurait évité un gaspillage de temps et d’argent.