Expropriations sous le Metro Express :
Le tracé du Metro Express a été dévoilé à l’Assemblée nationale mardi par le ministre des Infrastructures publiques et du Transport, Nando Bodha. Les endroits concernés sont : Vacoas, Quatre-Bornes, Rose-Hill, Barkly, Richelieu, Pailles et La Butte. Le processus d’expropriation par le gouvernement a débuté sous la Compulsory Acquisition Act. Compensations insuffisantes, déracinement des habitants, disparition de patrimoines, inquiétude et grincements de dents, voire contestations en cour de justice, le Metro express ne fait pas que des heureux. Nous sommes descendus dans les localités où il y avait une certaine tension.
La Butte : de nombreux habitants seraient concernés
L’équipe du Sunday Times s’est rendue tout d’abord à La Butte où une grande partie des habitants se sentent menacés d’expulsion. Une bonne partie de La Butte sera « sacrifiée » pour le projet Metro Express. Une lettre d’évacuation a été envoyée aux habitants concernés il y a un mois. Il ne reste que quelques jours avant la fin du délai, notamment le 6 avril. Le gouvernement a depuis mis sur pied un comité présidé par le vice-Premier ministre Showkutally Soodhun pour étudier chaque dossier cas par cas. Ce comité devra soumettre son rapport dans une dizaine de jours. Entre-temps, les habitants sont dans le flou. De plus, ils ne sont pas satisfaits de la compensation proposée, qui, selon eux, ne pourra pas remplacer tout ce qu’ils ont construit à la sueur de leur front. Notons que La Butte est toujours décrétée comme une zone avec risques de glissement de terrain. Voici quelques témoignages.
Nous avons rencontré Nareeman, qui nous livre son état d’âme :
« J’ai passé toute mon enfance sur ce lieu que vous voyez et cela fera bientôt 40 ans que je vis ici. Cette maison, nous l’avons construite en différentes étapes, après plusieurs sacrifices et beaucoup d’économies. Maintenant le ministère des Terres nous demande 12 à 14 m2 de terre comme ‘compulsory acquisition’ pour le Metro Express. Pourquoi ce trajet pour le Metro Express ? Y aura-t-il une gare sur ce site ? J’ai payé un entrepreneur en travaux et un évaluateur et ma maison est estimée à Rs 9,5 millions. Concernant le 12-14 m2, l’entrepreneur m’a fait comprendre qu’après déduction de cette portion, toute la maison entière s’écroulera », explique Nareeman.
Cette situation a bouleversé cette famille, notamment la fille de Nareeman. Le déracinement d’une famille cause souvent un traumatisme, surtout pour les enfants. La question se pose si dans certains cas, ceux qui subissent une telle situation devraient pouvoir recevoir une compensation additionnelle pour dommages moraux, notamment pour ‘displacement’ et ‘disturbance’. « On doit aussi nous compenser pour déracinement et dépaysement, car on est en train non seulement de détruire notre patrimoine, mais aussi notre quiétude », a-t-elle conclu.
Nazoomah Rujubali habite le quartier depuis 35 ans. Situé au sommet de cette région en pente, quelque 12 mètres carrés de sa propriété seront expropriés. Le ministère du Logement et des Terres propose à la famille une compensation de Rs 1,5 million, somme qui peut paraître modique, voire dérisoire, pour un tel déracinement. Une proposition que d’ailleurs Nazoomah ne compte pas accepter.
Des slogans tels que « pa craz nou lakaz » ou encore « non au metro express » ont été placés à leur portail, en vue de sensibiliser les passants. La famille Rujubali s’est toujours opposée au Metro Express, et ce, depuis l’annonce de ce projet. « Mo garcon ki fek marié ine bizin aret travaux so lakaz », souligne notre interlocutrice.
Par ailleurs, Nazoomah et son époux demandent au ministère concerné de considérer d’autres options. « Notre maison est notre fierté, ne la démolissez pas », disent-ils.
À Pailles, les habitants s’inquiètent pour leur terrain de foot
Les habitants de Camp Chapelon à Pailles sont exaspérés, sachant que leur terrain de foot sera biffé pour le Metro Express. Face à une question à l’Assemblée nationale, mardi, du député Jean-Claude Barbier concernant une éventuelle destruction du terrain de foot, le ministre Bodha avait réagi en disant : « I have learned, the alignment does not go through the footbal pitch, it will pass by […] The football pitch is not going to be removed. »
D’ailleurs, dans un communiqué de presse émis le 20 mars 2017, le ministre avait annoncé que le terrain de foot de Camp Chapelon à Pailles sera épargné. N’empêche qu’en 2014, la mairie de Port-Louis avait été exigée d’enlever des structures de ce terrain de foot. Après la pose de la première pierre pour le projet, le Lord-maire Oomar Kholeegan a, dans un premier temps, fait enlever les buts. Après la colère des habitants, le maire et le ministre des Infrastructures publiques et du Transport se sont rencontrés pour finalement annoncer que le terrain ne sera pas affecté.
La députée Danielle Selvon milite en faveur de ces habitants. Elle nous explique qu’elle attend le rapport de Nando Bodha. « Ce terrain-là est la seule distraction pour les habitants de Camp Chapelon, nous devrons le préserver », a-t-elle dit.
Belle-Rose en plein sur le tracé du Metro Express
Quant à Belle-Rose, les habitants commencent à s’inquiéter vu qu’une partie importante de cette localité proche de Quatre-Bornes concerne le tracé du Metro Express. La foire et le boulodrome de l’avenue Victoria sont visés. « Nous voulons savoir si nous devrions être inquiets », nous expliquent les habitants du quartier.
La destruction d’Arab Town
Le pittoresque Arab Town sera aussi rayé du centre-ville de Rose-Hill. Les marchands de cette foire attendent une réponse du maire pour un éventuel relogement. Imtazally Jaumeer, président du Distributors Trade Union, qui regroupe les marchands d’Arab Town, a eu une première rencontre avec le maire des villes-sœurs, ce qui a donné une lueur d’espoir aux forains. « Nous serons probablement relogés pas très loin d’ici », dit notre interlocuteur.
Les autres endroits concernés
La Promenade Roland Armand, le Jardin Bijoux à Beau-Bassin et le terrain de basket et de volley à Cité Barkly attendent également leur disparition prochaine. À Quatre-Bornes, la Promenade Gérard Bruneau et le boulodrome à l’avenue Victoria sont aussi sur le tracé du Métro Express.
À Vacoas, la ‘place taxi’ et le parking situé à proximité du marché et probablement le marché aussi sont concernés. Le maire de Vacoas-Phoenix, Navin Ramsoondur, précise : « Nous avons hâte de ce grand développement dans notre région ». Toutefois, la mairie attend une rencontre avec le ministre de tutelle pour discuter du relogement des marchands.
