Fond du Sac : Un mandat, deux inondations, et toujours aucune solution…

Le spectacle est certes désolant. Au point de déchirer le cœur. Mais il provoque davantage l’indignation et la révolte. Tout simplement parce qu’il aurait pu être évité. Mais malheureusement, le gouvernement a préféré trainer la patte en plaidant les longues procédures que de prendre des actions concrètes. Pourtant, il avait bien donné la garantie aux sinistrés de 2016 que des mesures allaient être prises dans les plus brefs délais. Trois ans plus tard, le gouvernement, par la voix du ministre Ashit Gungah, pousse toujours la même chansonnette en soutenant, cette fois-ci, que les travaux vont être commencés dans … trois mois !

Jamais deux sans trois. Les habitants de Fond du Sac l’a malheureusement appris à leurs dépens. Mardi dernier, ils ont dû, pour la troisième fois, faire face aux caprices de Dame Nature. Une fois de plus, ils ont tout perdu : meubles, matelas, denrées alimentaires, matériels scolaires pour certains, articles pour d’autres. S’ils sont surtout outrés, c’est parce qu’à chaque fois ils ont dû se remettre sur leurs pieds en recommençant tout à zéro, presque sans l’aide du gouvernement, seulement pour tout perdre à nouveau quelques années après. « Nou ti gagne sa problème inondation la en 2013 premier fois. Bé gouvernement ti donne nou voucher Rs 100 000 pou asté bane meubles ek machine tou sa-là. Mais en 2016, nou ti gagne zis Rs 8 000. Ki pou fer are sa ? Sa kout la pa zot penkor dire mem nanrié komié pou gagné », se désole Savita Devi Prayag.

Chez les Shevhorak, la scène est encore plus déchirante. Avec un mari handicapé à sa charge, Savita doit son salut aux soldats de la SMF qui sont arrivés à temps pour leur évacuer. Sinon, mari et femme auraient pu y laisser leurs vies, le niveau d’eau ayant atteint un point alarmant. La sexagénaire soutient avoir vécu quasiment le même cauchemar que 2016. « En 2013 osi ti gagné. Mais en 2016 ti plis et mo croire sa fois-là osi ti enkor un peu plis », se lamente Savita. D’ailleurs, en remontant dans nos archives (voir photos ci-contre), nous avons pu constater que la situation n’a en rien changé entre 2016 et 2019, malgré des promesses faites par le présent gouvernement en 2016.

Promesses non-réalisées

Si le précédent gouvernement avait, dans un premier temps émis un « Works Order » sous l’« Emergency Procurement » le 17 mai 2013, soit peu après les premières inondations de mars 2013, il a dû par la suite l’annuler avant de procéder avec l’acquisition des terrains (voir les explications d’Anil Baichoo plus loin). Le pouvoir ayant changé de main en décembre 2014, il incombait donc au présent gouvernement de poursuivre les procédures. Or, presque rien n’avait été fait. Jusqu’aux inondations de février 2016. Le Premier ministre avait alors promis que les travaux démarreraient le plus vite possible. Sauf que trois ans plus tard, l’appel d’offres n’a même pas encore été lancé. Pourtant, Pravind Jugnauth s’était vanté à l’Assemblée Nationale, en juillet 2018, d’avoir prévu un budget de Rs 125 millions pour les travaux de drainage à Fond du Sac. Budget qui, semble-t-il, dort toujours dans les caisses du Trésor puisque rien n’a été concrétisé jusqu’ici. Le ministre Ashit Gungah a d’ailleurs reconnu, mercredi matin, que les travaux ont pris de retard. Ce qui en dit long sur la situation…

 

Un premier « Work Order » émis en mai 2013

C’est le 30 mars 2013 que le pays avait connu les premières « flash floods ». Le gouvernement de Navin Ramgoolam avait alors réagi avec promptitude en prenant diverses mesures pour tenter de résoudre le problème, bien que tout n’est pas passé comme prévu en raison de certaines procédures administratives. Ainsi, un premier « Works Order » avait été émis le 17 mai 2013, soit moins de deux mois après les inondations meurtrières du 30 mars 2013. Ce contrat au coût approximatif de Rs 49 millions, nous explique Anil Baichoo, ancien ministre des Infrastructures publiques, avait été alloué sous l’« Emergency Procurement ». « Li éna ène délai limité pou commence les travaux. Mais malheureusement nou pa fine ressi gayn wayleave durant sa période-là. Donc, fine bizin cancel pou fer land acquisition », soutient-il.

Entretemps, il y a eu l’installation d’un gouvernement et les procédures ont été freinées. « Pendant quatre ans et demi, nanrien zot pane fer. Si nou ti enkor là, bane travaux ti pou fini complété bien longtemps », insiste Anil Baichoo. S’il concède que les démarches et les procédures prennent du temps, il dénonce cependant la lenteur et l’inaction du présent régime. « Mo trouve zotte pé dire akoz éna 90 propriétaires akoz sa pé prend le temps. Tou sa le temps  ki mone responsable ministère MPI là, guetté komié bâtiments publics, lekol SSS, terrains de foot et l’autoroute mo fine fer. Tou fine passe par land acquisition même sa. Zamé pa fine prend autant le temps pou gagne terrain. Bizin zis ki kiken kone fer travail la bien », poursuit-il.

Anil Baichoo s’interroge, dans la même foulée, pourquoi les travaux lancés à Cottage sous le précédent gouvernement avait étés stoppés. « Pu Cottage ki zot pou dire ? Là-bas travail ti fini commencé. Dépi 2015, trois inondations fine fini éna là-bas. Ki zot ine fer ziska l’heure ? » s’interroge-t-il.

Les travaux lancés dans trois mois

Et s’il y a encore du retard ?

L’annonce du ministre Ashit Gungah a de quoi choquer la population. « Les travaux commenceront dans trois mois », a-t-il dit lors d’une visite houleuse aux sinistrés mercredi. S’il a reconnu que les travaux ont accusé du retard, en rejetant le blâme sur les procédures pour la « land acquisition ». Et si celles-ci devraient prendre encore du retard ? « Dépi trois ans ine dire pou fer travail là. Aster là dans trois mois ki pou commencé. Bé quand élection vini lerla ki pou fer sa ? Et si regagne ene lot inondations entretemps, ki nou fer ? » se demandent les sinistrés.

 

Leur inquiétude semble tout à fait légitime car les procédures risquent de prendre du temps. Ce n’est que maintenant qu’un appel d’offres sera lancé. Rien ne garantit donc que les premiers coups de pioche aux travaux pourraient être donnés d’ici trois mois. D’autant qu’une fois lancés, ceux-ci prendront au moins 18 mois pour être complétés. Ce qui fait dire à certains que ce n’est pas le présent gouvernement qui pourra régler le problème des habitants de Fond du Sac.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Compensation

« Dire Pravind garde cash-là pou li mem ! »

L’annonce d’une compensation pour les sinistrés de Fond du Sac et de Cottage ne rassure guère les sinistrés. « Dernier fois, nou ti gagne zis Rs 8 000. Zis nou asté ration mem, cash la fini. Lili, l’armoire, nanrien pane kapave asté ek sa la monnaie la », protestent-ils. Et s’ils devraient encore recevoir le même montant ? « Dire Pravind garde cash là pou li mem ! » lancent-ils. Et d’ajouter : « Tous seki nou pé demandé seki zot ranze bane drains ene fois pou ki nou pa regagne mem problème sak fois. Sa osi zot pa kapav fer ? Bé kifer zot dans gouvernement alors ? » fustigent-ils.

 

La présence du Premier ministre réclamée

On a droit au même son de cloche chez tous les sinistrés. « Kouma line kapav alle Rodrigues? Bé nou li pas kapve vine guetté ki kalité problème nou été ? ». S’ils s’attendaient à un peu de compassion de la part du Premier ministre, ils sont restés jusqu’ici sur leur faim. Car rien n’indique qu’une visite aux victimes soit à l’agenda de Pravind Jugnauth.

L’institution d’un « fast track committee » exigée

Un travailleur social de la localité se pose plusieurs questions quant à l’aménagement d’un morcellement attenant au village. « Eski fine donne ene proper EIA pou sa bane morcellement la et eski zot pé respecté bane conditions ? », s’interroge-t-il d’emblée. Il se demande aussi pour quelles raisons le drain existant, aménagé depuis plusieurs dizaines d’années, n’est pas nettoyé régulièrement. Une situation qui est incompréhensible, selon lui.

Il dit aussi ne pas comprendre pourquoi aucun « fast track comittee » n’a été mis sur pied pour régler ce problème. « Ti bizin met ene fond adéquat pou régler sa problème la. Ene fond pou so cut-off drain, absorption pit et retaining wall. Ti bizin fini fer sa dépi ki ti éna flashfloods en 2016. Li inacceptable ki zot pe dire pas moi sa, li sa. Ene koulou ti piqué, aster pe fer la gangrène. Be kisanla responsable de sa situation là ? Bizin ki l’autorité met ene fast track commitee au plus vite », tonne le travailleur social.

 

Les deux centres de refuge … sous l’eau

Des habitants de la région allèguent que les deux centres de refuge de Fond du Sac, en l’occurrence le « village hall » et l’école primaire de la localité, ne sont pas appropriés pour accueillir des sinistrés. Et pour cause ! Les deux bâtiments se retrouveraient eux-mêmes sous l’eau pendant les inondations. D’ailleurs, contrairement aux autres établissements scolaires, l’école primaire du gouvernement n’a pu ouvert ses portes jeudi en raison des dégâts causés par les inondations.