Financement des partis  Politiques : La population une nouvelle fois le dindon de la farce

Pravind Jugnauth a présenté dans les grandes lignes les propositions du gouvernement concernant le financement des partis politiques à Maurice.  Des propositions qui étaient attendues depuis décembre 2014 mais qui sont finalement arrivées à l’aube de décembre 2018, soit quatre années plus tard.  Moins entouré que d’habitude, Pravind Jugnauth, accompagné d’Ivan Collendavelloo et de Maneesh Gobin, a présenté vendredi les 10 propositions de son gouvernement pour faire de la loi sur le financement politique, une réalité, et ce à la veille des élections générales, qui devront sur papier se tenir d’ici la fin de l’année prochaine.  

Marwan Dawood

Le projet de loi sur le financement des partis politiques ne sera pas présenté avant le mois de mars de l’année prochaine, soit à la prochaine rentrée parlementaire. C’est ce qu’a affirmé Pravind Jugnauth lui-même en conférence de presse à son bureau vendredi après-midi. Pourtant, le gouvernement a bien fait circuler ses 10 propositions qui seront sujet aux débats pendant les mois à venir. L’Alliance MSM-ML veut en finir avec le financement obscur des partis politiques mais les propositions du gouvernement ne laissent présager aucune transparence, comme on l’aurait tous souhaité.

À quoi bon sert-il de déclarer le nom de ceux qui financent les formations politiques mais ensuite de le garder jalousement secret dans un tiroir à la Max City Building, siège de l’Electoral Supervisory Commission ?  Pourtant, il n’est un secret pour personne que le financement des partis politiques à Maurice est bien une source de corruption et que les bailleurs de fond de ces partis opèrent selon le modus operandi, « to gratt mo lédo, mo gratt to lédo » ou plus communément appelé « lopération main droite, main gauche ».  

Des 10 propositions du gouvernement, une proposition en particulier met en rogne. Elle concerne le point 4 du document circulé par le gouvernement depuis vendredi. Le « state funding » des partis politiques suscite ainsi l’indignation de plusieurs personnes avisées sur la question. Si pour le moment, elles sont très peu qui attendent la publication officielle du projet de loi en 2019 pour commenter ce point, d’autres comme Alan Ganoo et Shakeel Mohamed ne cachent pas leurs oppositions (voir réactions plus loin) à la clause, « Political Activities Financing Fund » concernant le remboursement d’une somme aux partis politiques, post-élections.

De ce fait, des questions importantes subsistent sur le « Political Activites Financing Fund ». Ce que nous savons, c’est qu’une somme sera votée dans le budget, donc par le parlement, pour y être injecté dans ce fonds. Nous savons également qu’après une élection, un candidat (dans sa circonscription) ou un parti qui obtiendra au moins 10 % des votes (au niveau national) seront éligibles pour un remboursement, qui se fera sur une base pro rata.

Mais ce que nous ne savons pas pour le moment : quelle sera la somme qui sera votée et à quelle fréquence ? La commission électorale a-t-elle les moyens en termes d’équipement et de personnel pour la gestion de ce fonds ? Combien de temps prendra l’implémentation de cette mesure ? Et une question que se pose plus d’un : pourquoi la population se voit une nouvelle fois dans l’obligation de payer pour les dépenses mirobolantes des politiciens ?  N’était-il pas suffisant de payer les salaires, les allocations et autres dépenses de nos politiciens ?

Les propositions du gouvernement

  • Tous les partis politiques seront dans l’obligation de se faire enregistrer auprès de l’Electoral Supervisory Commission (ESC).
  • Les partis politiques pourront se faire financer par des individus ou des compagnies à condition que toutes les informations sont notées de façon transparente. Le trésorier de chaque parti devra ainsi mettre à jour les transactions financières de sa formation.
  • À la fin de chaque année financière, les comptes devront être vérifiés et s’il y a des « gross income » ou « total expenditure »d’au moins Rs 1 million, ceux-ci doivent être effectués par un auditeur qualifié.
  • Le trésorier devra également soumettre un rapport des comptes audités à l’Electoral Supervisory Commission (ESC) dans un délai ne dépassant pas 2 mois après la fin de chaque année financière ou la date suivant les élections.
  • Ces comptes seront, entre autres, les sommes reçues sous forme de dons d’entreprises privées et le montant total reçu des particuliers. Cependant, ces comptes ne vont pas inclure les noms des donateurs individuels et ne seraient pas à la disposition du public pour consultation.
  • Le trésorier doit tenir un registre de toutes les donations reçues et les détails des donateurs doivent être inclus.
  • Les donateurs doivent rendre compte des montants de leurs dons dans leurs rapports annuels.
  • Des directives strictes seront imposées aux entreprises qui feront des dons. L’approbation des actionnaires ou la spécification par les actionnaires d’un montant autorisé de dons politiques devraient être une condition préalable aux dons politiques des entreprises. Les entreprises seraient en outre tenues de divulguer dans leurs rapports annuels aux actionnaires le montant des dons en espèces ou en nature faits aux partis et aux candidats.
  • Le paiement en nature ne sera pas accepté.
  • Un Political Activities Public Financing Fund sera mis sur pied et il sera supervisé par l’ESC.
  • Pour être éligibles aux financements du Financing Fund, les partis doivent obtenir 10 % des votes totaux à travers le pays.
  • Ce fonds sera alimenté des fonds alloués par le Parlement et l’ESC sera responsable du financement des partis politiques éligibles et des candidats.
  • Les candidats individuels ayant obtenu au moins 10 % des votes dans leurs circonscriptions respectives seront éligibles au financement.
  • L’ESC devra rembourser les candidats éligibles au financement dans un délai ne dépassant pas six mois après les résultats d’une élection.
  • Même si un parti politique ne veut pas bénéficier d’un financement, il aura à s’enregistrer auprès de l’ESC.
  • Les dons par des groupes sectaires, les corps paraétatiques et les entreprises détenues par l’Etat sont interdits.
  • II en sera de même pour les entreprises étrangères et les étrangers. Par contre, des Mauriciens établis à l’étranger pourront faire des donations. Il n’y aura aucune limite pour ce genre de dons.

Le plafond des dépenses électorales revues à la hausse

  • Le plafond des dépenses d’un candidat passe de Rs 250 000 à Rs 1,5 million.

Pour un candidat indépendant, les dépenses maximales permises seront de Rs 1 million.

Pour les élections municipales, les dépenses maximales s’élèvent à Rs 300 000 par candidat au lieu de Rs 50 000.

  • Pour les élections villageoises, un plafond de dépenses de Rs 200 000 par candidat est prévu au lieu de Rs 50 000.
  • À Rodrigues, les dépenses passent de Rs 100 000 à Rs 200 000 par candidat.

Par ailleurs, le gouvernement propose que chaque candidat ou parti puisse opérer une « baz » et un quartier général dans chaque circonscription du pays.

Pouvoirs accrus pour l’ESC

  • La Commission électorale sera dotée des pouvoirs et des ressources nécessaires pour inspecter, vérifier, examiner et enquêter sur les affaires financières des partis politiques et pourra recommander des poursuites judiciaires en cas de violation.
  • L’ESC présentera son rapport sur les comptes financiers des partis à l’Assemblée nationale dans un délai de quatre mois à compter de la fin de chaque exercice ou à compter de la date du scrutin d’une élection.

Les sanctions

Les sanctions pour les infractions à la législation sur le financement des partis politiques comprendront des amendes, la perte, la suspension ou la réduction du financement public