Faits et effets

Le conseil des ministres compte une nouvelle tête depuis jeudi. Après plusieurs remaniements ministériels, la chance a finalement souri à Roubina Jadoo-Jaunboccus. Certes, des éléments ont assurément joué en sa faveur, fussent-ils ses menaces alléguées de démission du MSM ou sa proximité avec le leader du parti. Sa nomination est toutefois loin de faire l’unanimité, étant contestée à l’intérieur même du gouvernement. Si les plus bouillants, comme Sangeet Fowdar, l’ont fait savoir ouvertement, d’autres, craintifs sans doute, ne se font pas prier pour la dénoncer en privé. Si la grogne se fait sentir dans les travées de la majorité, imaginez maintenant quel devait être le sentiment de la population vis-à-vis de cette ascension controversable, voire révoltante. En quoi devrait-on se réjouir qu’une élue, dont l’intégrité a été mise en cause par la commission d’enquête sur la drogue, ait été nommée ministre ? Dans une démocratie autre que la nôtre, le chef du gouvernement n’aurait jamais, au grand jamais, appointé quelqu’une qui a été ainsi blâmée dans son cabinet ô combien fragilisé déjà.

Pravind Jugnauth a pris un risque énorme en accordant un portefeuille ministériel à la députée du no 2. S’est-il au moins demandé ce qui se passera si jamais la commission Lam Shang Leen la pointe du doigt dans son rapport ? Procèdera-t-il alors à un énième remaniement ministériel ? Ses super conseillers, trop occupés par leurs diverses responsabilités au sein des différents boards, ne l’ont peut-être pas prévenu que ce n’est pas en faisant du ‘trial and error’ qu’il arrivera à mener sa barque chancelante et crevassée à bon port. L’on se demande aussi quel signal le Premier ministre veut envoyer aux trafiquants de drogue, ceux-là mêmes qu’il dit vouloir combattre, en nommant une avocate qui a effectué plusieurs ‘unsolicited visits’ à divers caïds en prison. Pravind Jugnauth est-il aussi bête pour qu’il ne réalise pas la portée de sa décision ? Même les membres de son parti le prennent désormais pour un rigolo, tellement ses actions ne rejoignent pas ses paroles.

La révolte interne au gouvernement est telle que le PPS Rajcoomar Rapertab a publiquement fait état de sa frustration de n’avoir pas été nommé ministre avant de rentrer dans les rangs suite à une rencontre avec le Premier ministre. Bashir Jahangeer, lui, menace encore une fois de claquer la porte du MSM. Et que dire de Showkutally Soodhun ? N’ayant pas digéré que son fauteuil ait déjà été attribué à un autre ministre, le député du no 15 a envoyé ses sympathisants au Noor Hall à Phoenix vendredi soir pour le défendre en plaidant l’humiliation subie par la communauté musulmane. C’est le style typique de Soodhun afin de forcer quelques garanties de la part du Premier ministre. Toutes ces manœuvres démontrent clairement que Pravind Jugnauth ne maîtrise plus la situation. Ce qui le met dans une situation encore plus périlleuse. Pourra-t-il tenir pendant deux ans encore quand on sait que « a week is a long time in politics » ?