Exit la présidente

Elle a tenu tout le pays en otage durant plus d’une semaine. Après avoir tenu tête à ses détracteurs, et après avoir commencé à récolter les sympathies de la population, elle a fini par jeter l’éponge. Et ce tandis que tout le monde applaudissait l’institution d’une commission d’enquête sur l’affaire Alvaro Sobrinho. Quelles sont les raisons qui ont pesé dans la balance pour la faire partir ? Est-ce la crainte d’une crise constitutionnelle ? On en doute. Son départ de la State House apportera certes un peu de sérénité dans le pays. Mais il risque aussi de nous replonger dans le noir concernant les ramifications de toute cette affaire. Car l’institution de cette commission d’enquête nous donnait enfin une lueur d’espoir. Celle de connaître les tenants et aboutissants de toute cette sombre histoire. L’identité de ceux qui ont bénéficié des largesses du multimilliardaire angolais aurait enfin été dévoilée. D’autant qu’un message contenant une série d’interrogations et circulant sur les réseaux sociaux depuis les deux derniers jours nous font penser que des cadres, des ministres et anciens ministres sont également impliqués jusqu’au cou dans toute cette affaire. Mais avec l’annonce de la démission d’Ameenah Gurib-Fakim hier, on peut dire adieu à cette commission d’enquête.

D’ailleurs, le Prime Minister’s Office (PMO), se substituant à la Cour suprême, n’a pas tardé à déclarer l’acte d’Ameenah Gurib-Fakim d’anticonstitutionnel. Si Pravind Jugnauth, qui se targue d’être un Premier ministre ‘clean’ et exemplaire, voulait effectivement que la vérité triomphe, il aurait dû donner son assentiment à cette commission d’enquête. Ce qui lui aurait permis de gagner des points dans l’estime de la population tout en démontrant qu’il est un ‘no-nonsense Prime Minister’. Mais ce vœu n’est qu’hypothétique bien sûr. Puisque le Premier ministre et le bureau qu’il dirige sont tout aussi coupables dans cette affaire. D’abord, parce que c’est bien Pravind Jugnauth lui-même qui a enlevé le pouvoir d’octroyer des investment licences de la Banque de Maurice pour l’accorder à la Financial Services Commission (FSC) en introduisant une nouvelle mesure lors d’un de ses précédents budgets. Le bureau du Premier ministre a dû également donner le feu vert pour que l’homme d’affaires angolais puisse faire l’acquisition d’une luxueuse villa à Royal Park. Le PMO a clairement failli sur ce dossier.  Sa responsabilité dans cette affaire ne peut donc pas être occultée. D’où la réticence de Pravind Jugnauth, qui date depuis l’année dernière, d’instituer une commission d’enquête y relatif.

Cette commission d’enquête aurait également permis de tirer au clair le rôle joué par les Ivan Collendavelloo, Dass Appadu, Dev Manraj et autres Roshi Bhadain dans cette affaire. Ameenah Gurib-Fakim, apprenons-nous, ne serait qu’un bouc émissaire. Les vrais requins nagent toujours librement et impunément. L’affaire Alvaro Sobrinho a fait sa première victime. Mais il ne faut pas que la lessive s’arrête là. La population est en droit de connaître toute la vérité. Si seulement la présidente se décidait à parler, d’autres têtes tomberaient sans doute…