Et si la rentrée ne se faisait pas en janvier ?

Dossier

Après deux mois de vacances, les élèves se sont retrouvés avec presqu’une semaine de congé forcé pour cause de mauvais temps.  Ces jours de congés forcés suscitent alors des interrogations concernant le calendrier scolaire.  N’est-il pas temps de revoir le calendrier scolaire et étendre les vacances ?  Cette solution évitera les déconvenues climatiques à coup sûr vu que la grande rentrée ne coïncidera pas avec la saison des grosses pluies ou de cyclones.

Marwan Dawood/ Chitanjal Goolaup

Les autorités trancheront-elles ?  Pas nécessairement dans l’immédiat mais dans l’avenir.  Ce que nous subissons en 2018, n’allons-nous pas souffrir du même problème en 2019 et 2020 si rien n’est fait ? La rentrée scolaire doit-elle se faire après janvier, mois particulièrement arrosé avec les averses torrentielles et autres.  Pourtant, les décideurs politiques doivent se mettre à l’évidence que la saison des pluies représente un réel danger pour les enfants.

Cependant, dans le monde éducatif les avis divergent.  Les professionnels du secteur ne semblent pas être en faveur d’un réagencement du calendrier scolaire mais deux anciens ministres de l’Éduction, à savoir Dharam Gokhool et Steven Obeegadoo croient dur comme fer que le changement est possible.

Les avantages d’un renvoi :

  • Moins de congé forcé
  • Les parents ne seront pas pris de court
  • Les risques que l’élève tombe malade seront minimes
  • Moins de dépenses en termes d’achat de nouveaux matériaux scolaires abimés par la pluie
  • Sécurité des enfants

Les désavantages :

  • Le calendrier sera chamboulé
  • Les professeurs risquent de se retrouver avec un calendrier difficile
  • Moins de temps pour préparer les élèves
  • Les vacances des premier et second trimestres devraient automatiquement être écourtées
  • Il sera quasi-impossible de décaler les examens du SC et du HSC tenus par Cambridge
  • Le temps d’études diminué, le syllabus peut ne pas être complété

Yahya Paraouty : « Pas possible mais… »

Le président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), Yahya Paraouty ne croit pas en les chances de cette alternative.  Ce dernier est  cependant d’avis que le calendrier scolaire est trop «rigide » et qu’il faut un peu plus de flexibilité dans le cursus scolaire.  «Je ne crois pas que c’est réalisable.  Nous avions fait une demande auprès du ministère que les vacances d’hiver en août soit étendue à 4 semaines au lieu de trois pour le secondaire mais la demande a été rejetée.  De plus la rentrée se fait déjà trop tôt en janvier », dit-il.

Le syndicaliste estime également que l’autre raison qui rendra difficile le réagencement du calendrier scolaire est les examens de Cambridge.  «Ce sont des examens importants sur l’échelle internationale. Nous avons besoin des centres en fin d’année pour tenir ces examens, c’est une des raisons que nous ne pouvons changer grand-chose dans le calendrier », dit Yahya Paraouty.

Dharam Gokhool : « On ne peut exposer les enfants aux risques »

L’ex-ministre de l’Éducation, Dharam Gokhool, est d’avis que c’est quelque chose de réalisable.  «Dans l’avenir il nous faudra trouver une bonne formule qui tourne à l’avantage des élèves et des parents.  Ré-agencer le calendrier scolaire est bien possible à Maurice ». Ce dernier estime que rien n’oblige que la rentrée se fasse en janvier et s’explique ; « Les cadres du ministère de l’éduction doivent se réunir autour d’une table pour en discuter ouvertement.  On peut retravailler le calendrier et apporter un changement ».

L’ex-ministre de l’Education considère cependant qu’un changement au niveau du calendrier causera un grand chamboulement dans le système mais des solutions comme raccourcir le programme existent. «Tout doit être fait dans les bonnes conditions pour ne pas impacter sur le programme d’études.  Le système a besoin de plus de flexibilité. Ce n’est pas impossible à réaliser et on ne peut exposer les enfants aux risques pendant le mauvais temps », conclut-il.

Ce que pensent les parents…

 « Oui normalement en janvier le temps est plutôt pluvieux et cyclonique. J’ai peur des fois pour la sécurité de ma fille. Si les congés pouvaient se faire en décembre et mi-janvier cela aurait été mieux. Avec ce temps pluvieux, les enfants sont à risques des maladies, s’ils boivent l’eau qui provient des robinets des écoles », nous dit Sharmine Counday, mère d’une fille de 5 ans.

Cependant le mari de Sharmine,  Shahlaan pense le contraire. Selon lui, les enfants vont perdre du temps, car les syllabus pourront être incomplets. Ils risquent de ne pas avoir assez de temps pour se préparer pour leurs examens.

Isabelle, mère de deux filles qui sont au collège

« Je suis d’avis que le gouvernement devrait trouver un moyen pour remplacer les jours perdus à cause des intempéries. Ça va perturber le syllabus des étudiants. Peut-être qu’il faudra revoir la durée des vacances scolaires pour le premier trimestre et les remplacer afin que les étudiants bénéficient des cours de rattrapage ».

Et les profs ?

« Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de renvoyer la rentrée scolaire. Nous les profs on a un syllabus à compléter et de bien préparer les étudiants afin qu’ils puissent bien travailler pour leur examens. Renvoyer la rentrée voudrait dire moins de temps. Pour se préparer surtout pour les étudiants de  Grade 11, parce que les examens débutent en Octobre ». A. prof d’un collège privé.

« Non, on ne peut pas faire comme les pays étrangers et renvoyer les vacances comme eux le font. Cela va être difficile. Les enfants vont à l’école même s’il y a mauvais temps. Cela ne représente pas un danger sauf s’il y a des pluies torrentielles ou des inondations. Ici, à l’école pré-primaire on veille à ce que la sécurité des enfants soit une priorité », Shamimah, puéricultrice du pré-primaire Les génies à Port Louis.

Les élèves favorables…

Rebecca, 19 ans, Lorette de Saint-Pierre

« Pour moi personnellement, vu que tous les ans, le mois de janvier est très affecté par des conditions climatiques, je pense que la rentrée doit se faire plus tard. Puis, si on regarde bien, plus les années passent et plus la rentrée se fait plus tôt. Je sais que l’éducation est importante oui, mais n’oublions pas que chaque étudiant(e) a une vie personnelle et je pense que c’est la priorité absolue. »

Akhilesh, 18 ans, collège Impérial

« Je voudrais bien que l’école reprenne vers la mi-mars parce que j’aime bien être en vacances surtout en été pour profiter un peu de nos belles plages. Ça allait aussi être une occasion pour pouvoir travailler pendant quelques mois et d’avoir de l’expérience. Et vu que j’aime bien voyager, plus de vacances, plus de jours à profiter pour découvrir le monde. »

Nansley, 18 ans, SSS Palma

« Je pense que le mois de janvier devrait rester le mois de la rentrée scolaire car il y a de longs syllabus à compléter et si la rentrée se fait plus tard, il est probable que nous n’ayons pas assez de temps pour les compléter »

Steeve Obeegadoo : « Et si la situation climatique s’empirait ? »

Steve Obeegadoo

Ce que nous avons vécu ces derniers jours pourrait n’être qu’un prélude de ce que nous vivrons dans l’avenir. C’est-à-dire que le changement climatique semble avoir des effets sur Maurice avec des grosses pluies comme on n’en a jamais vu auparavant.

Sollicité pour une réaction, le responsable du dossier Education au MMM et ex-ministre de tutelle ne nous cache pas sa crainte concernant les caprices de dame nature. « Il est bien connu à l’étranger que dans des situations exceptionnelles comme nous avons vécues à Maurice ces jours-ci que le calendrier scolaire connaît des changements pour rattraper les retards accumulés avec les congés forcés.  On peut très bien raccourcir les vacances pour rattraper le retard », dit Steeve Obeegadoo.

L’ex-ministre explique que la rentrée de 2018 a été marquée de manière exceptionnelle.  «Cette année-ci nous vivons de ce qu’il y a de plus normal sans qu’on réalise que le changement climatique impacte de façon inédite sur le temps qu’il fait à Maurice », dit-il.  Ce dernier explique que 10 ans de cela et même 20 ans avant il n’y avait pas ce problème.  « Nous avons besoin d’une bonne planification, pertinente, et pas uniquement pour les écoles.  Le temps va continuer à évoluer dans l’avenir et il faudra être prêt », dit Steeve Obeegadoo.

Ce dernier explique que s’il était ministre de tutelle il aurait fait les deux.  « J’aurais convoqué une réunion avec les managers, les professeurs, le service météo, les pompiers, la police…tous les partis prenantes pour trouver la bonne formule et éviter toute déconvenue dans l’avenir », dit-il.