En attendant le « Victoria Urban Terminal » : « Pas facile pou roule lakwizin ! », se lamentent des marchands

La colère, la rage, la frustration et la tristesse animent les marchands opérant à la foire de l’Immigration Square en cette fin d’année. Alors qu’ils auraient dû normalement s’attendre à une aubaine concernant les affaires, ces marchands, qui travaillaient auparavant à la foire Decaen, anticipent, cette fois-ci, une baisse drastique de leurs ventes. Comme elles l’ont d’ailleurs été depuis qu’ils ont été relocalisés à l’Immigration Square. Une situation qui risque de durer encore plusieurs mois, en attendant la construction du « Victoria Urban Terminal » où ils auront des étals. Entretemps, ces marchands sont livrés à eux-mêmes, personne, en particulier le gouvernement, ne semble se soucier de leur calvaire.

L’optimisme que les choses pourraient changer cette année-ci a vite laissé la place à la résignation et la déception. En effet, l’absence de la Tornado Squad sur le terrain depuis quelques mois, surtout durant la récente campagne électorale, leur avait donné une lueur d’espoir. Ils avaient d’ailleurs pu faire libre commerce dans les rues principales de la capitale pendant cette période, les autorités ayant momentanément décidé de fermer les yeux sur leur opération. Mais voilà qu’aussitôt les élections terminées, les membres de la Tornado Squad s’activent pour que les marchands déguerpissent des rues de Port-Louis.

Sarojini, une des marchands qui opèrent à l’Immigration Square, nous raconte comment la vie est devenue difficile pour elle surtout depuis que les marchands ont été relogés. Les clients s’y font rare et du coup, les marchands ne vendent presque rien, ou presque. « Comme dit cozer, nous pe mort sans manger. Nous nek assizer atane clients vini pour nou travail, li pas facile du tout, », confie-t-elle. Pour Hossen, les marchands ambulants auraient dû avoir la permission de travailler sur les rues du 15 décembre au 31 décembre 2019. « Entier Maurice pe larguer. Kifer juste dans Port-Louis non ? Nou ine vote MSM, nu in vote Pravind Jugnauth Premier Ministre », ajoute-t-il. Plusieurs marchands sont endettés et sont en détresse, avouent les marchands d’une seule voix.

Rosida et Nazir rejoignent Hossen dans ses propos. « Nous pe plus endetter nous pe aller même. Pas gagner mêmes clients. Li pas facile pour roule ene lakwizin kan travay même pena », nous confie, pour sa part, Rahima. Cette mère de famille avoue attendre l’approche des festivités afin de pouvoir acheter des manuels scolaires pour ses enfants, d’autant qu’il y a des jours où elle dit ne rien vendre ! Sa situation difficile dure depuis un bon bout de temps. Elle soutient avoir été relogée à deux reprises, d’abord à la foire de Decaen, puis à l’Immigration Square. Mais depuis ses deux relocalisations, elle n’a pas pu payer ses loyers à Terre Rouge où elle louait une maison. Ce qui l’a contrainte à emménager chez sa mère à Rose-Hill. Avec trois enfants sous sa charge, elle arrive difficilement à faire joindre les deux bouts. Idem pour Nazir. Ce dernier affirme qu’il avait auparavant une bonne clientèle, mais il soutient que les affaires ont drastiquement baissé depuis qu’il a été relogé à l’Immigration Square. « Près deux mois nous là, dimoune même nous pas trouvé. Cuma nous pour faire ? » s’interroge-t-il. Il ajoute qu’il est endetté vis-à-vis des magasins. « Nous bizin vivre. Même minis pas prend nous conte. Pu ban pêcheurs et planteurs zot faire kitsoz mais pour nous narien pas faire », se lamente-t-il.

« Pe servi politique »

Très en colère de la façon de faire du gouvernement, Kawsar nous brosse un tableau sombre des centaines de marchands. « Depi sa gouvernement la in vini, li pe servi politique. Li pe kroire ki tous ceki li servi li bon, mais tou ceki li p faire c’est dans fausseté. Nous tou marchands nous ena coopération, nous souder ensam. Pas kan ena élection zis ki li pu vine get nous après élection tou fini. Li pu re dire tire nous met nous dans ene lot la foire parski li bizin sa place ici-là. Nous dimune nu si», dit-elle, en ajoutant : « le gouvernement met toutes ces personnes dans des problèmes ». Le gouvernement devra coopérer avec la population et venir en aide aux petits gens, surtout les marchands ambulants, selon elle. « Tou ceki aller vini, li pour meme zafer sa. Personne pas comprend nous souffrance, et personne pas pu kapav faire narien pour nous », déplore, pour sa part,  un marchand de fruits, soutenant que les marchands ambulants sont systématiquement oubliés par les autorités, du moins quand il ne s’agit pas de les « harceler ».

Manque d’hygiène et de sécurité

Le manque d’hygiène est vivement déploré par les machands. « Nous pe travail dan ene place ki gagne mauvais l’odeur et mo même depi mone vine travail la mo pe malade », s’exclame Rahima.  Elle nous apprend aussi qu’il n’y a pas de sécurité dans cette foire, le vol des articles étant récurrent. « Ban dimoune vine mettre dife, » poursuit-elle en pointant un étal où des articles avaient déjà été incendiés. D’un autre côté, Levy, marchand de mine et de boulettes, explique qu’ils n’ont pas de levier pour laver les ustensiles sales. Mustapha abonde dans le même sens en soutenant que malgré leurs nombreux appels notamment aux inspecteurs de la municipalité de Port-Louis, jusqu’ici rien n’a été fait. Le manque d’éclairage leur pose aussi problème. Tout comme les toilettes publiques qui sont cadenassées depuis une semaine. « Guette lezot la foire kuma joli et ici li pas hygiénique du tout. »

Une rencontre prévue avec les autorités

Le président de la Street Vendors Association (SVA), Hyder Raman, dit être au courant des problèmes soulevés par les marchands. Il révèle ainsi qu’une rencontre officielle est prévue avec les autorités concernées, dont le Lord-Maire et son adjoint, d’ici ce mardi.

Une rencontre sollicitée avec Anwar Husnoo

Les députés travaillistes Shakeel Mohamed et Eshan Juman comptent solliciter, cette semaine, une rencontre avec le ministre Anwar Husnoo. Ils veulent trouver une solution humaine afin de permettre aux marchands ambulants de travailler dans des conditions acceptables durant le mois de décembre.

Une des premières questions parlementaires d’Eshan Juman pour la prochaine séance parlementaire concerne justement le problème des marchands ambulants. Il demande ainsi à Anwar Husnoo « whether, in regard to the Victoria Urban Terminal, he will, in the interest of the hawkers and on a humanitarian ground, consider letting them work without any hindrance from the Tornado Squad and any other relevant authorities, during the festive season of December? ».