égligences médicales : Sept nouveaux cas est rapportés en trois mois

Souvent rapportés dans la presse, les cas allégués de négligence médicale sont les uns plus inquiétants que les autres.  Malgré la progression dans le domaine médical, avec des multiples innovations dans les soins prodigués, des drames continuent parce que le personnel hospitalier ne réagit pas toujours avec professionnalisme.  Si certains cas sont fatals, d’autres, par contre, peuvent avoir de lourdes conséquences sur la vie d’une personne et la route vers la réparation est souvent longue…très longue.

De 2010 à ce jour de cette année, 290 cas de négligence médical ont été enregistré.  Parmi ces 290 cas, 171 ont été mis de côté après enquête.  8 médecins ont été référés en Cour alors qu’il y à eu 13 avertissements.  47 enquêtes sont en cour.  Ces chiffres du Medical Council donnent froid dans le dos.  (Voir tableau en Hors-texte)

Le Medical Council a des règlements en ce qui concerne les cas de négligence médical.  L’article 17(4) de la Medical Council Act mentionne les diverses sanctions applicables à un contrevenant. Le Conseil détermine si les accusations portées contre un praticien ont été prouvées avant de rédiger son rapport à la Public Service Commission.

Comment se rendre à l’hôpital pour se faire soigner alors qu’on court le risque de ne pas avoir le traitement qu’on espère ?

Que dit la loi ?

ad16b1d6-b508-450c-92cd-e71c0c5f7ff2

Si en France, il existe un Code de la santé publique, cela est complètement absent à Maurice.  Nous nous sommes tournés vers l’ancien Attorney General et ministre de la Santé, Me SatishFaugoo,pour avoir plus de précision à ce sujet.  Selon l’homme de loi, en cas de négligence médicale,  les victimes peuvent initier une action civile pour les dommages causés sous l’article 1382, 1383 et 1384 du Code Civil de l’Ile Maurice.

« Comme dans le cas d’un accident de la route, la victime peut poursuivre le chauffeur  ou  la compagnie d’assurances de ce dernier pour obtenir des dommages, cela s’applique aussi pour un cas d’accident médicale », Me SatishFaugoo explique que dans un cas où les incidents se sont produits dans un hôpital public, le patient peut poursuivre et l’État et le médecin impliqué. Cependant Me SatishFaugoo déclare que les personnes se sentant victimes d’un acte de négligence médicale dispose d’un délai de deux ans pour entamer les procédures de poursuite, dans le cas contraire aucune poursuite au civil ne sera possible comme stipulée dans la Public Officers Protection Act. Dans le cas où les faits se sont déroulés dans une clinique ou institution privée, les patients peuvent poursuivre le docteur en son nom personnel et disposent cette fois-ci d’un délai de 10 ans pour entamer des poursuites.

satish_faugoo

Satish Faugoo

Notre interlocuteur avance que notre Code Pénal ne fait aucune provision pour des délits spécifiques de négligence. « Si une personne décède et que ses proches pensent qu’il s’agit d’un cas de négligence médicale, alors ils peuvent faire une déposition à la police. » Me SatishFaugoo explique alors que c’est à la police de poursuivre le médecin sous une charge d’homicide involontaire sous l’article 239 (1) du Code Pénal. « Si le médecin est trouvé coupable, il risque une peine de prison maximale de 10 ans et un amende ne dépassant pas les Rs 150 000.  Un médecin peut aussi être radié par le Medical Council s’il est reconnu coupable dans un cas de négligence médicale.  Les gens ne doivent pas avoir peur de venir de l’avant et dénoncer un cas de négligence médicale.  La police est là, la loi est là  pour protéger nos citoyen », déclare Me Faugoo.

lhopital-jeetoo-ene-garcon-mort-apres-3-mois-so-parents-soupconne-ene-cas-negligence_1467011012-b-1

Le service médical montré du doigt

L’hôpital Dr Jeetoo est l’un des hôpitaux les plus fréquentés du pays. Malgré le professionnalisme et la compétence des médecins, beaucoup de cas de négligence médicale ont été rapportés dans la presse. De plus, ils sont plusieurs patients, surtout ceux qui sont plus âgés, rapportent qu’ils n’ont pas l’attention voulue.  Récemment, plusieurs personnes se sont élevées contre certaines  pratiques dans le service hospitalier de Port-Louis.

Pendant que nous étions dans l’enceinte de l’hôpital, nous avons rencontré une septuagénaire.  Accompagnée de sa petite fille Quincy, Noëlla Prévost souffre de multiples complications dont la maladie cardio-vasculaire, l’hypertension et aussi l’Alzheimer.  La dame suit des traitements à l’hôpital Dr Jeetoo depuis des années.  Il est environ 14hr, toutes deux assises sur un banc à l’arrière de l’hôpital, elles s’impatientent.  En effet, elles attendent une ambulance pour les déposer chez elles. Fatiguée et agacée, Quincy nous livre ses sentiments. « Mo grand mere so rendez-vous 9h, mais l’ambulance passe prennou 11h, arrive l’hôpital bizin atane ki enn docter passe avek li et la coma ou p trouvé nou p atane ki bane là passe pren nou, et nou riské atane 2h temps enkor».

prevost

Noëlla Prévost aux côtés de sa petite fille à l’hôpital Dr Jeetoo

Bien évidemment, le Dr Jeetoo n’est pas le seul établissement hospitalier où il existe ce problème. Une situation qui devrait être analysée de très près, mais rien ne semble démontrer que les choses changeront de sitôt. D’autant qu’elle dure depuis des années déjà. Afin de permettre aux patients de mieux rapporter les cas de faute médicale et faire des suggestions sur des possibles améliorations du service hospitalier, des ‘complaints boxes’ existent dans quelques hôpitaux.

En dépit de cela, les fautes médicales ou même le mauvais service à l’hôpital ne sont pas pour autant en baisse à Maurice. Ram Nowzadick, président de la Nursing Association, s’interroge justement sur la pertinence de ces complaints boxes. « Les diverses suggestions ou problèmes que contiennent ces boîtes ne  sont ni vérifiés ni  traités par la suite »,dit-il. Selon lui, il serait mieux si les parties concernées, notamment le syndicat de la santé et celui des patients, le ministère de la Santé et les Regional Head Directors, examinent ces boîtes mensuellement,afin de faire diligence.

Un avis que partage Nasser Essa,directeur de la Nurses Union. « Les complaints boxes ne servent à rien », soutient-il. Nasser Essase dit par ailleurs persuadé que les plaintes diminueront aprèsla mise d’une hotline à la disposition des patients au niveau du ministère.


Le cas NgKuet Leong v/s Zuel

C’est un cas qui a pendant longtemps retenu l’attention. Le Dr NgKuet Leong, un gynécologue pratiquant dans le privé, est accusé de négligence médicale. Le 24 novembre 2005, une de ses patientes, Annick Zuel, est décédée suite à une opération chirurgicale.  Un comité d’enquête a ensuite été institué par le ChiefMedicalOfficer du ministère de la Santé. Dans ses conclusions, celui-ci a recommandé que des mesures disciplinaires soient prises contre le gynécologue et contre l’anesthésiste qui l’avait assisté lors de l’opération. En 2014, la Cour suprême a ordonné  que le médecin comparaisse devant le MedicalDisciplinary Tribunal. Deux ans après, aucune nouvelle du Dr NgKuet Leong…

0767a355-c999-4798-9350-c1e80c99f825

Le scandale AVASTIN

On est en 2014 et une nouvelle bouleverse toute une population. Quatre hommes ont perdu l’usage d’un œil après une injection. L’Avastin ! Cette injection venait d’être introduite à Maurice et déjà une trentaine de patients se sont fait administrer ce médicament pourtant destiné à améliorer la vue des diabétiques.  Les quatre hommes se sont rendus à Chennai en Inde, mais le mal été déjà fait.  Ils avaient développé une grave infection à l’œil après avoir subi une injection d’Avastin à l’hôpital de Moka.

 

Témoignages:

Plusieurs patients ont fait les frais de la négligence médicale à Maurice. Cette situation devient de plus en plus alarmante. A titre d’exemple,le cas de Herman Pierre Louis, maintenant âgé de 22 ans et malvoyant depuis 10 ans, interpelle. Ce jeune garçon nous raconte son calvaire. Allergie à la poussière et à la fumée, Herman,alors âgé de 12 ans, s’est rendu pour la première fois à l’hôpital de Moka pour recevoir des soins dus aux démangeaisons au niveau des yeux.  Sans être examiné, on lui a donnéun médicament contenant de la cortisone. Il s’avère que ce produit lui a fait perdre l’usage de ses yeux, basculant ainsitoute sa vie. Lorsque ses proches ont réclamé des explications au médecin, ce dernier a tenté maladroitement d’expliquer que cet incidents’est produit car Herman aurait loupé un de ses rendez-vous. La famille avait, à cette époque, décidé de faire une croix sur cette affaire. Mais maintenant qu’Herman est arrivé à l’âge de la maturité, il songe sérieusement à poursuivre les autorités concernées…

9f1f5240-1773-4aab-a7d2-7db6a8277111

Le Dr. B. Goolaub : « On ne voit que le tip of the iceberg »

Nous nous sommes tournés vers le Dr B. Goolaub qui est médecin au privé pour avoir plus d’information sur le sujet. Selon le médecin, nous avons plus de cas de négligence médical dans nos hôpitaux que dans le privé.  Pour le Dr B. Goolaub, les chiffres qu’avancent le ministère n’est que le tip of the iceberg. « Quand il y a un cas de négligence à l’hôpital cela passe par plusieurs étapes avant qu’on puisse vraiment savoir la cause. Mais dans le privé c’est beaucoup plus facile.  Il n’y a pas d’intermédiaire entre les patients et les établissements. » Pour le Dr Goolaub, il existe une solution pour contrer ce fléau ; « Le medicalcouncil doit revoir ses règlements. Il faut que cesse les différences entre docteurs au privé et docteurs des hôpitaux. Et évidemment  il faut que les médecins assument leur responsabilité. Nous avons tous prêté serment, il nous faut respecter notre engagement. »

070416-satish-boolell-1024x576

Satish Boolell : « Pour avoir le rapport d’autopsie, les proches doivent « lutter »

Pour le médecin légiste, Satish Boolell, les gens ont tendance à privilégier la thèse de négligence médicale seulement  quand il y a mort d’homme. Or, du moment où une personne malade ne reçoit pas le service nécessaire dans une institution médicale, c’est déjà une négligence.  Cependant, il suggère de bien analyser le cas, avant d’accuser le personnel de l’hôpital. Car, selon lui,  quand une personne perd un proche, il est dans un état de désarroi. Ce dernier s’efforce à croire qu’il s’agit d’une négligence médicale. Par ailleurs, le médecin légiste questionne le fait que la plupart du temps, les gens accusent les hôpitaux et non pas les cliniques. Cela veut-il dire que les soins et les services offerts dans les hôpitaux, ne sont pas efficaces, ou alors les familles des victimes font confiance uniquement aux cliniques ? C’est une question qui mérite beaucoup de réflexion.

Il s’avère que beaucoup de gens ne savent pas comment entamer les démarches et les procédures dans le cas de négligence médicale. La première étape constitue de faire une demande pour une autopsie. Une demande qui nécessite le consentement de la famille, ainsi que celui de l’appartenance religieuse de la défunte. Pour avoir le rapport d’autopsie, les proches doivent « lutter », faire des requêtes auprès de le surintendant, la Medical Assistant, entre autres. Une fois, que la famille aura mise la main sur le rapport, elle devra le montrer à un avocat.

Silence, on dort !

On a essayé, à plusieurs reprises, d’avoir la version du ministère de la Santé sur la question de négligences médicales. Malheureusement, en dépit de nos nombreuses sollicitations, le service de presse du ministre Anil Gayan n’est jamais revenu vers nous pour nous éclairer.

b0a9b91d-ac5c-421c-bce3-febbd5947df9

Négligence médicale- Une cause majeure de mortalité dans le monde

Les erreurs médicales constitueraient la troisième cause de décès aux États-Unis, derrière les maladies cardio-vasculaires et les cancers.  Deux chirurgiens de Baltimore ont fait un calcul très simple en appliquant aux données d’hospitalisations dans leur pays en 2013. Un peu plus de 35 millions d’admissions ; le pourcentage d’événements indésirables mortels évitables dans des études antérieures, remontant jusqu’à la période 2000-2002. C’est ainsi qu’ils arrivèrent à la conclusion que les erreurs médicales sont à l’origine de 251 000 morts par an.
50 000 décès en France ?

Suivant les calculs des deux Américains, l’Association de défense des patients victimes d’accidents médicaux est arrivée à la conclusion qu’avec ses 15 millions d’hospitalisations seulement en 2013, le nombre de décès liés aux erreurs médicales pourrait avoisiner les 50 000 décès. Une nouvelle fois, les erreurs médicales tueraient plus de personnes en France après les maladies cardio-vasculaires et les cancers.