Éducation supérieure gratuite : Va-t-on créer plus de chômeurs gradués ?

Électoraliste ou pas, l’annonce du Premier ministre le 1er janvier dernier concernant la gratuité éventuelle de l’éducation tertiaire dans les institutions publiques fait mouche. C’est devenu depuis le Nouvel an le talk of the town.  Certes, cette mesure viendra soulager et encourager ceux désireux à poursuivre leurs études après le HSC mais il ne faut pas oublier le revers de la médaille.  Pour le moment, Pravind Jugnauth n’a fait que sortir un lapin de son chapeau… les critères et les paramètres restent encore à être définis.

Marwan Dawood

Comme mentionné plus haut, cette mesure n’est pas foncièrement mauvaise.  Cependant, elle ne peut tenir «on its own », comme dirait l’Anglais. Le précédent gouvernement voulait avoir un gradué par famille, et le présent gouvernement avec sa nouvelle mesure pourrait réaliser ce vœu.

Toutefois, que faire avec autant de gradués par la suite ? Car les statistiques démontrent que le taux de chômage chez les jeunes de moins de 30 ans  est suffisamment dramatique pour un pays comme Maurice.

L’analyse qui suit découle des chiffres de Statistics Mauritius chaque année. Pour 2017, le nombre de sans-emploi ayant déjà complété leurs études supérieures s’élevait à 9 700, soit 23 % du nombre total de chômeurs. Au troisième trimestre de 2018, ce segment représentait 26,4 % de chômeurs.   C’est la grande inquiétude des observateurs du secteur de l’Éducation dans le pays.  Pour eux, pour que cette mesure soit une réussite, le gouvernement doit trouver une mesure complémentaire pour assurer la création d’emploi.

Ce n’est pas tout.  Sans vouloir être alarmiste, plusieurs personnes pensent que le gouvernement, plus précisément le ministère de l’Éducation supérieure, et la Tertiary Education Commission (TEC) devront travailler de concert de façon à combler et à éviter les «mismatch » existants à l’île Maurice.   Un ancien ministre de l’Éducation que nous avons sollicité, nous explique que « C’est une bonne mesure mais il va falloir trouver des solutions adaptées pour éviter un goulot d’étranglement dans certains secteurs. Ce n’est pas parce que tout est gratuit qu’il ne faut pas mettre des limites », dit-il sous le couvert de l’anonymat, pour ne pas politiser le débat.

À Maurice nous avons un énorme problème, qui une fois de plus découle du manque de création d’emploi.  Le marché du travail à Maurice connaît actuellement une saturation extrême.  Plus exactement, nous avons à Maurice des filières déjà saturées, comme la médecine ou encore la profession légale. Le fait de rendre l’éducation tertiaire gratuite n’encouragera-t-il pas une ruée des jeunes vers ces secteurs de « prestige » ?

Pour faire court, les autorités concernées devront travailler sur une formule pour faire de cette mesure un succès.  Une question est alors posée. Se dirige-t-on vers une refonte du système de l’éducation tertiaire à Maurice ? Le temps nous le dira.  Et si la réforme de l’éducation tertiaire passait par le primaire et le secondaire ? N’est-il pas temps de faire du ‘Career Guidance’ un must dans les écoles ? Les jeunes aujourd’hui font des études sans vraiment comprendre les besoins du marché du travail… Ceci dit, tout compte fait, les caisses des universités connaitront un manque à gagner énorme. Espérons simplement que ce ne soit pas une mesure pour camoufler le taux de chômage…