[EDITO] Cher Premier ministre…

Monsieur le Premier ministre,

Je me permets de vous adresser cette lettre ouverte parce que j’en ai marre que vous persistez toujours à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. J’ai été tout stupéfaite en vous entendant dire au Parlement mardi que le gouvernement disposait, au départ de la crise, de suffisamment d’équipements de protection et de tests pour nous armer contre la propagation du Covid-19 à Maurice. Vous avez osé, encore une fois, de tourner en dérision, une interpellation y relative du leader de l’Opposition. Mais vos railleries puent la mauvaise foi. Surtout quand il est question de la vie des gens.

Permettez-moi, Monsieur le Premier ministre, de vous ramener à la dure réalité. Celle que vous refusez systématiquement de voir et d’accepter. Dès que les premiers cas avaient été détectés chez nous, les frontliners, ceux-là mêmes que votre ministre de la Santé applaudissait pour leur dévouement, avaient élevé leur voix pour protester contre le manque cruel d’équipements de protection particulièrement dans les hôpitaux et les centres de quarantaine. Vous ne pouvez pas ne pas le savoir si vous avez effectivement, et efficacement comme vous le prétendez, présidé les réunions quotidiennes du National Steering Committeesur le Covid-19. Car cela a été l’un des couacs majeurs dans la gestion de cette pandémie chez nous. Le résultat d’une mauvaise planification, sans doute.

D’ailleurs, au moment le plus fort de la propagation chez nous, votre ministre de la Santé avait évoqué une distribution contrôlée des masques et des ‘protective gown’. Ce qui n’a fait qu’exacerber la situation, poussant même volontairement des frontliners dans la gueule du loup. Heureusement que nous n’avons pas été frappés de plein fouet par ce virus mortel comme l’ont été certains pays. Une faveur divine sûrement. Sinon, ç’aurait été le désastre. Les nouveaux équipements commandés par votre gouvernement ne sont, eux, arrivés que bien plus tard, soit au moment où la pandémie avait pu être contenue. « Après la mort, la tisane », pour ainsi dire.

Vous avez vainement tenté, Monsieur le Premier ministre, de nous faire croire que votre gestion de cette crise sanitaire a donné d’excellents résultats. Mais la population, surtout les 63% qui n’ont pas voté pour vous, n’est pas dupe. Elle voit clairement dans votre petit jeu malsain. Votre position vous donne probablement des ailes, au point de croire que vous pouvez persister à ‘mislead the House’, et le peuple, tout en étant soutenu par un Speaker partisan et complice, ainsi qu’une horde d’aboyeurs toujours prête à vous applaudir. Mais votre arrogance maladive a quand même trahi votre mépris envers ces braves hommes et femmes faisant partie du personnel soignant et de la force policière, contaminés à cause de l’irresponsabilité criminelle de votre gouvernement qui n’a pas su se montrer suffisamment prévoyant.

Les mots d’un infirmier testé positif résonnent toujours dans mes oreilles. « Nou pane guet nou la vie avant. Au contraire, nou fine fer tou pou nou sappe la vie nou prochains. Mais le ministère fine laisse nou tomber. Zot pas fine protège nou kouma bizin. En plis, ministre la Santé la pas fine même koze avec nou pou réconforte nou ». C’est la confidence de quelqu’un qui a été au chevet du Dr Bruno Cheong ainsi que la jeune femme de 20 ans. Un témoignage qui résume la seule et cruelle vérité, Monsieur le Premier ministre. Cette vérité est loin de la couleuvre que vous tentez de nous faire avaler.

J’ai choisi d’aborder, dans cette lettre, uniquement l’aspect des équipements de protection. J’ai omis volontairement d’évoquer l’angoisse et le traitement inhumain que des frontliners ont été contraints de subir avant et après qu’ils ne soient mis en quarantaine. Je n’ai pas non plus mentionné les cafouillages concernant les tests. Mais je vous promets, Monsieur le Premier, d’y revenir si l’occasion me le permet. Et bien sûr, si la vérité ne vous dérange pas.

En espérant que vous cesserez de nous prendre pour des idiots.

Bien à vous,

Zahirah RADHA