[EDITO] Cheap !

Nous avons à la tête du pays un Premier ministre qui se vante d’être un homme exemplaire, un mari et un père digne et respectueux, un chef d’État qui « means business » et qui ne passe pas le plus clair de son temps dans « ène campement pou joué djembé et tousse sali ». Il a tenté de jouer le jeu à fond, allant jusqu’à s’afficher en public main dans la main avec son épouse Kobita, partageant même un « pixidou » avec elle sous les feux des projecteurs. Bref, Pravind Jugnauth se veut un homme de grande vertu, voire blanc comme neige, quoi ! N’avait-il pas jasé, lors de la célébration officielle de la journée internationale de la femme le 8 mars dernier que « mo éna beaucoup respect, beaucoup d’estime » pour les femmes qu’il avait implorées avec « mo destin dan ou la main ».

Malheureusement pour Pravind Jugnauth, cette image qu’il s’est efforcé à projeter de lui depuis son accession – par l’imposte – au poste suprême du pays s’est brisée en mille morceaux le 1er mai dernier. Les femmes – et hommes, qui le tarissaient d’éloges sur le plan de la moralité en ont pris un coup. « Si met ou tifi tou sel dan ene la sam ar sak leader de ban parti politik la, dir mwa avek kisanla ou pou pli senti ou pli en sécurité ? » Mais quelle vulgarité venant de la part d’un Premier ministre ? En tant que femme, fille, mère, on ne peut qu’être estomaquée par une telle grossièreté. Pravind Jugnauth disait-il la vérité quand il avait déclaré récemment que « ban zenfan sa pei la couma mo bane zenfan » ? Car sinon, il n’aurait jamais débité ce genre d’obscénité ! On ne descendra d’ailleurs pas aussi bas pour lui demander ce qu’il en aurait pensé si quelqu’un lui avait demandé la même chose…

Mais à y voir de plus près, on se demande si on doit vraiment s’étonner de cette déclaration. N’a-t-il pas simplement montré ses véritables couleurs, les « writings » étant déjà « on the wall » ? N’est-ce pas ce même Pravind Jugnauth qui tolère toujours la présence de Kalyan Tarolah dans les rangs de son gouvernement en dépit du « lalangue gate » et du « karokann gate » ? Le Premier ministre n’a-t-il pas aussi fermé les yeux et feint de ne rien entendre quand Ravi Rutnah avait traité une journaliste de « femel lisien » ? Pire, les hommes d’affaires Simo Carevic et Michel Galet n’avaient-ils pas soutenu, dans un affidavit juré dans le sillage de l’affaire Dufry-Frydu, que des ministres du gouvernement, dont Pravind Jugnauth lui-même, leur avaient proposé les services gratifiants – pour ne pas dire autre chose – de jeunes demoiselles, parmi d’autres privilèges, s’ils acceptaient de leur remettre des documents qu’ils recherchaient ?

Si un Premier ministre peut être partie prenante, ne serait-ce que par son silence, de ces écarts de comportement de la part des membres du cabinet ministériel, pourquoi doit-on s’offusquer de sa déclaration plus que « cheap » ? Les femmes, espérons-le, lui montreront que son destin est effectivement « dan zot la main » et qu’elles sauront le sanctionner comme il se doit.