Drame écologique- La fragilité de l’écosystème à l’épreuve

Inondations, sécheresse, pollution, marée noire, accident nucléaire…des mots qui donnent froid dans le dos et pourtant ils font partie du cycle de la vie.  Souvent inattendue, une catastrophe environnementale peut être lourde de conséquences. Dans la mer comme sur terre, l’écosystème est souvent mis à l’épreuve. Or, l’échouage du  MV Benita sur les récifs à Le Bouchon et les opérations de pompage des 147 tonnes de fioul ont suscité de nombreuses interrogations. Intéressons-nous cette semaine aux drames écologiques marins.

L’humanité fait face actuellement à un défi majeur, celui de sa survie et de son avenir, celui des générations futures, de nos enfants et petits-enfants, par rapport aux drames écologiques qu’elle a causés et qu’elle cause encore tous les jours.  Les humains détruisent tellement nos océans et nos forêts aujourd’hui qu’un très grand nombre d’espèces d’animaux et de plantes marines et terrestres disparaissent à tout jamais à une vitesse incroyable.  La conséquence du drame écologique majeur que nous vivons actuellement est donc irréversible.

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L’océanographe Vassen Kauppaymuthoo, qui est  un ‘Registered Professional Environmental Engineer’ et ‘Professional Diver’, est inquiet quant à la dégradation de l’écosystème marin. « Le risque de catastrophe écologique est bien présent à Maurice, et un exemple est celui lié au commerce mondial océanique, notamment le transport des marchandises et des hydrocarbures à travers les mers, avec le risque d’échouage et de déversement de produits dangereux et polluants comme les hydrocarbures».  Selon l’océanographe, il y a déjà eu plusieurs signes majeurs où l’île Maurice a frôlé la catastrophe. Il poursuit ses explications en disant qu’aujourd’hui nous sommes encore plus exposés aux dangers d’un déversement pétrolier majeur qui constituerait « sans nul doute un drame écologique majeur » et cela dû à une augmentation du trafic maritime de plus de 400% dans nos eaux depuis plus d’une décennie.

Vassen Kauppaymuthoo va plus loin dans ses déclarations. « Il y a des risques liés au Petroleum Hub et à l’exploitation potentielle des ressources dans notre zone économique exclusive. Un accident du type ‘‘deepwater horizon’’ à Maurice sonnerait le glas de notre industrie touristique et mettrait à terre notre pays», soutient-il.

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Les premiers sequelles de l’échouage de MV Benita

 La mise sur pied d’une National DisasterAuthority- une nécessitée

Vassen Kauppaymuthoo affirme également que : « Gouverner c’est prévoir, c’est se préparer, c’est ouvrir les yeux et admettre ses erreurs et tirer des leçons de ce qui s’est passé ». Cependant, il est d’avis que les autorités n’ont rien appris des risques de déversements pétroliers précédents et qu’elles ne sont pas penchés sur les moyens nécessaires pour faire face à ce problème.  « Il nous faut mettre en place des unités de coordination nécessaires pour surveiller, informer, agir et coordonner toute action face à un risque écologique majeur et la mise sur pied d’une National DisasterAuthority est maintenant une nécessité, au vu des événements », a-t-il ajouté.Judex-ramphul

« C’est la vulnérabilité d’une population sous-développée »

La fuite du fioul à Le Bouchon a fait réagir certaines personnes, notamment Judex Ramphul, président du syndicat des pêcheurs. Il dit que ce genre de situation aurait dû être étudié depuis des années, afin de pouvoir prévenir d’importants dégâts. De plus, il nous affirme que le système écologique à Maurice est définitivement à risque. Selon lui, les autorités concernées ne se sont pas assez impliquées pour protéger nos valeurs marines. « La loi devrait être plus sévère et surtout appliquée à tous sans exception », soutient-il.

Judex Ramphul a fait comprendre que le drame écologique est aussi dû au réchauffement planétaire et donc, il pense qu’il faudra avoir des avis des experts pour prendre des décisions adéquates, et par ricochet, le bien-être de notre île. Le président du syndicat des pêcheurs ajoute aussi que dans un premier temps, il  faut conscientiser la population elle-même. Pour lui, il vaut mieux prévenir que guérir. «Outre  certaines mesures, les humains sont bien souvent responsables des catastrophes écologiques. C’est la vulnérabilité d’une population sous-développée. En d’autres mots, tous ensemble, nous pourrons faire face à cette calamité, qui demeure toujours une menace pour la population», dit-il.

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«Nous avons des personnes compétentes et formées»

Quant à Raj Prayag, président du ‘Mauritius Oceanography Institute’, il soutient  qu’à Maurice, tout est sous contrôle. « Face aux catastrophes écologiques, il y a toute une procédure à suivremais, en effet, nous avons des personnes compétentes et formées pour mettre en place des systèmes de secours ». Raj travaille justement sur une opération de plan contre le déversement d’hydrocarbures en mer.Par ailleurs, il dira que le gouvernement mise sur des plans futurs  pour canaliser les bateaux qui font un détour sur les eaux territoriales de l’île Maurice pour éviter tout drame.

Cependant, concernant le MV Benita, le président du Mauritius Oceanography Institute nous fait part que les autorités concernées ont pu  éviter des dégâts majeurs. Ces derniers ont géré ‘les accidents imprévus’, comme une fuite de fioul et des experts sont appelés en renfort.

De plus, dira-t-il, le gouvernementa plusieurs projets à mettre sur pied afin de  protéger notre environnement marin et surtout ne pas décourager les touristes. «Tous les pays connaissent des contraintes dues au système écologique, mais il faut savoir le gérer et surtout y remédier. En tant qu’ancien directeur de l’Environnement, je suis  prêt à collaborer et partager mon savoir-faire avec les autorités concernées pour préserver nos ressources marines », a-t-il ajouté.

Le MV Benita- un risque majeur !

Voila une semaine que ce vraquier battant pavillon libérien est coincé sur les récifs à Le Bouchon.  L’océanographe Vassen Kauppaymuthoo partage son opinion sur cet incident : « Benita reste un risque majeur, le bateau est toujours sur les récifs avec une cargaison d’huile lourde, et le risque sera présent tant que le bateau sera positionné ainsi. Toute action de la part de l’équipe de renflouage aura un impact sur l’intégrité structurelle du navire, et ainsi sur les déversements potentiels d’hydrocarbures dans une zone écologiquement sensible comme le parc marin de Blue Bay et le magnifique lagon de Mahébourg».

Vassen Kauppaymuthoo a aussi des appréhensions sur les opérations au Bouchon, il s’explique : « J’ai peur que de mauvaises décisions soient prises et que la coque se déchire, causant un déversement pétrolier majeur sur ce joyau de biodiversité marine, et chaque action posée, que ce soit le remorquage vers le large ou le renflouement augmente ce risque».

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Drame écologique à Bain-des-Dames

Dimanche 17 janvier 2016, des centaines de poissons morts recouvrent la plage de Bain-des-Dames.  Un spectacle affligeant s’offre aux habitants de la localité.  Six mois se sont écoulés, et personne ne peut dire avec certitude quelle est la vraie cause de cette catastrophe.  Les autorités  sont d’avis que c’est dû à un manque d’oxygène dans l’eau alors que chez les pêcheurs, la pollution reste le vrai coupable.

Retour en arrière

Les activités humaines peuvent aujourd’hui sans conteste être comparées à un Armageddon, une période d’extinction massive des espèces comparable à celle qu’a connue la terre au moment où la météorite Chixculub a frappé la terre il y a 65 millions d’années, causant la disparition des dinosaures. Maurice est un exemple de catastrophe écologique majeure, avec 95% de nos forêts indigènes tropicales et luxuriantes détruites pour toujours, notre fameux Dodo, symbole de ces animaux disparus à tout jamais pour les activités économiques liées au sucre à l’époque, aujourd’hui aux développements côtiers, fonciers et infrastructurels sur un petit territoire avec une population dense.Nous ne reverrons plus jamais le Dodo, et toute la faune et la flore indigène unique au monde qui existait sur notre île avant sa découverte, et nous ne pouvons qu’imaginer et rêver de ce paradis perdu dont certains explorateurs disent qu’il ressemblait au jardin d’Eden.

MV Benita, l’opération de pompage toujours en cours

Les habitants de Le Bouchon ne doivent pas s’ennuyer ces derniers jours.  Pour cause, l’échouage du  MV Benita sur les récifs et les opérations de pompage des 147 tonnes de fioul.  Les opérations ont commencé mardi dernier et se sont poursuivies toute la semaine.  Trois hélicoptères, notamment le Dhruv, le Chetak et le Fennec, font le va-et-vient entre le vraquier libérien et un terrain de football de la région.  De là, les conteneurs remplis du fioul seront transportés à Montagne Blanche où la compagnie, Virgin Oil Company Mauritius,  spécialisée dans le traitement des huiles se chargera du traitement du carburant.

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Les plus grandes catastrophes écologiques liés au déversement du pétrole dans le monde ces dix dernières années:

Date Navire/ Infrastructure Lieu Tonnage déversé
26 mai 2014 Oléoduc Parc régional, Seine-Maritime, France 3000 m3
 2013  Oléoduc  Sommet Ile de KO, golfe de Thaïlande, Thaïlande  50 000 litres
4 février 2012 Oléoduc Rivière Guarapiche, Venezuela 80 000 barils
Octobre 2011 Porte-Conteneurs
Rena
Plenty, Nouvelle-Zélande 1700 tonnes
16 juillet-18 juillet 2010 2 oléoducs Dalian 1 500 t. deux nappes de 50 km2 et 183 km2 observées au 19 juillet en Mer Jaune
25 mai 2010 pétrolier Bunga Kelana 3
vraquier Waily
Détroit de Singapour 2 500 t, 7 km de côtes souillés à Singapour
20 avril – mi-juillet 2010 plate-forme pétrolièreDeepwater Horizon Golfe du Mexique, 80 km au large de la Louisiane (États-Unis) 4 900 000 barils
7 décembre2007 Hebei Spirit
barge Samsung 
devant Incheon (Corée du Sud) 10 500 t, 160 km de côtes polluées jusqu’à 375 km du site de l’incident
11 novembre2007 Volgoneft-139 Dans le détroit de Kertch(Ukraine) 1 300 t côtes du détroit souillées
11 août 2006 M/T Solar 1 Au large de l’île de Guimaras(Philippines) 800 t

Comment mesurer la quantité d’hydrocarbure déversé

En observant l’apparence du film d’hydrocarbure et en mesurant son épaisseur, il est possible d’estimer la quantité par mètre carré. Si la surface polluée est connue, il est possible d’estimer la quantité totale déversée après un calcul en tonne au mètre carré effectué avec une densité de pétrole de 0,84 (densité d’un produit raffiné comme le gazole, la densité d’un pétrole brut atteint 0,97).


Ép. du film
Quantité déversée
Apparence mm L/ha t/km²
À peine visible 0,000038 0,380 0,032
Refletsargentés 0,000075 0,750 0,063
Traces de couleur 0,000150 1,500 0,126
Bandescolorées 0,000300 3,000 0,250
Couleurdistincte 0,001000 10,000 0,840
Couleursombre 0,002000 20,000 1,680