Déversement d’huile lourde à Les Salines : Le pire est à craindre

Après le déversement d’hydrocarbures par le navire MV Wakashio sur la côte sud-est du pays, Maurice fait-il face à une autre catastrophe écologique, cette fois-ci à Les Salines ? En effet, une fuite d’huile lourde d’un pipeline reliant une cuve de Fort William à une centrale du CEB se produit dans un marécage à Les Salines, à proximité de la mer.

Les photos et vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux ne sont pas belles à voir. Ce seraient les pompiers lorsqu’ils sont intervenus sur un terrain à côté qui ont découvert cette fuite, par hasard.  De multiples interrogations subsistent.  Depuis combien de temps cette fuite dure-telle ? Combien de tonnes d’huile lourde ont-ils été déversés ?

Et comme se le demande le député Fabrice David (PTr) sur sa page Facebook, comment se fait-il que le CEB ne soit pas au courant que cette huile lourde avait commencé à se déverser ? « Quel est le suivi et le monitoring effectués par le CEB sur le réseau de transfert d’un produit écotoxique ? », se demande le député.

Il s’est rendu sur place afin de faire un constat. Selon lui, l’odeur d’hydrocarbures était forte et les traces d’huile dans le marécage étaient clairement visibles.  Le député s’est par la suite entretenu avec la Police de l’environnement et les officiers du ministère de l’Environnement. « En tant que député de l’endroit, je vais m’assurer d’obtenir toutes les réponses nécessaires ! », indique-t-il.

L’huile a-t-elle atteint la mer ?

Selon l’avocat Chetan Baboolall, qui est sur place depuis mercredi dernier, quand ce déversement a été décelé, « C’est grave ce qui se passe car c’est bien près de la mer. Les autorités doivent assumer leurs responsabilités si jamais cette fuite atteint la mer. Nous pouvons faire face à une catastrophe dans le nord, plus précisément à Port-Louis. Je suis sur place depuis deux jours, et je n’ai vu aucun officier du ministère  de l’Environnement. »

L’avocat fait ressortir qu’il a appris que l’exercice de réabsorption de l’huile lourde se fait depuis plusieurs semaines. Or, l’huile lourde est toujours là, maintient-il. « Nous ne savons pas combien de tonnes d’huile il  y a dans le marécage, et combien a été retiré. C’est encore pareil. Le marécage est encore plein d’huile. »

Il souligne aussi que les travailleurs du CEB retirent l’huile lourde, sans moyens de protection. « Nous ne voyons pas qu’ils ont été munis d’équipements de protection », dénonce-t-il.

Quel sera l’impact environnemental et sanitaire de ce déversement ?

Cette perte d’huile lourde suscite les pires appréhensions.  Se dirige-t-on vers un autre désastre écologique après l’épisode du Wakashio ? Quelles seront les conséquences pour les habitants, les pêcheurs et l’écosystème de la région ?

Si certains relativisent cette situation, d’autres ne cachent pas leur angoisse. Les habitants et les pêcheurs sont assez dévastés par cet écoulement. « Du jamais vu », selon certains d’entre eux.

Pour Yuvan Beejadhur, ancien expert maritime à la Banque mondiale, « C’est très mauvais car l’impact écologique, économique, social, environnemental et médical pourra se révéler très lourd. » Selon lui, les habitants aux alentours pourront être affectés par des problèmes respiratoires, voire neurologiques et même psychologiques. En outre, «Les femmes enceintes pourraient aussi être affectées ».

Pour lui, cela démontre qu’on a des infrastructures désuètes qui ne sont pas aux normes. « On doit aussi se poser des questions sur les experts et les techniciens des ministères concernés. Que font-ils ? Quel est la qualité de leur travail ? Quelles recherches effectuent-ils ? Ont-ils besoin de plus d’expertise ? S’il y a un manque d’expertise, pourquoi est-ce le cas ? »

« Nous prétendons être une île durable. En même temps, nous démontrons que nous ne pouvons pas prendre soin de ces problèmes », fustige-t-il.

« Quelques mois de cela, Maurice était connu pour être passé par une grande catastrophe écologique avec le Wakashio. Maintenant, on voit une bonne quantité d’huile qui se déverse près de la mer. Je me pose la question : quelle image le pays projette-t-il dans le monde ? », s’interroge Yuvan Beejadhur. « Comment dans ces conditions demander aux touristes de venir à Maurice dans quelques mois quand nous ouvrirons nos frontières ? »

Selon lui, les autorités ont une responsabilité dans tout ça. « Le CEB doit avoir une stratégie nationale d’énergie renouvelable », déclare Yuvan Beejadhur. « Qu’on ait une politique intégrée et bien soudée, une stratégie nationale de développement durable, une économie bleue, et une île Maurice propre et verte. Que l’on s’assure que les institutions comme le CEB, la CWA et Air Mauritius, entre autres, se servent des technologies de pointe, et veiller à ce que l’eau, l’électricité et l’énergie soient renouvelables et propres », ajoute-t-il.

 

Maurice doit participer à la grande conférence de l’Organisation maritime internationale

Yuvan Beejadhur a fait ressortir qu’une grande conférence de l’Organisation maritime internationale aura lieu à Londres la semaine prochaine. Selon lui, Maurice doit afficher sa présence là-bas pour faire entendre sa voix et mettre la pression sur les pays tels que le Japon. Pourquoi le Japon ?  « Le Japon veut avoir le droit de disposer de plus de temps pour continuer de se servir de grands navires qui utilisent toutes sortes d’huiles, ce qui peut fragiliser notre économie marine, nos coraux, notre santé, et nos lagons. Il est impératif que Maurice fasse pression contre cela ».