Dev Virahsawmy : « En faveur d’une alliance PTr-MMM-PMSD »

Le pays va mal et il faut des élections générales anticipées afin de lui redonner un nouveau souffle. C’est ce que soutient Dev Virahsawmy. Il va même plus loin et dit vouloir militer en faveur d’une alliance PTr-MMM-PMSD. Un souhait qui risque sans doute de choquer plus d’un. A commencer par les membres du PTr, au sein duquel il milite depuis l’année dernière. D’où son insistance sur le fait qu’il parle en son nom personnel. Ci-dessous de grands extraits de cet entretien réalisé vendredi dernier.

  • On est en train de donner aux enseignants un outil qui pourrait apporter une corruption généralisée dans le domaine de l’éducation.

Zahirah RADHA

 

Q : Le gouvernement s’est fragilisé depuis la démission du PMSD en décembre. Une opération de débauchage dans le camp de l’opposition lui permettra-t-il de régner tranquillement jusqu’à la fin de son mandat?

R : Il y a deux aspects que j’aimerais rappeler à la population avant que je ne réponde à votre question. L’histoire se souviendra de Xavier Duval pour deux choses fondamentales. Primo, malgré le fait qu’il y a des esprits malades qui réclament toujours la réintroduction de la peine capitale à Maurice, il s’est opposé à cela et a insisté pour qu’elle soit suspendue. Secundo : le pays se trouvait dans une situation extrêmement dangereuse avec le ‘Prosecution Bill’ et c’est Xavier Duval qui a, de nouveau, sauvé la démocratie. Je ne dis pas que tout ce qu’il fait est bon, mais il a quand même empêché de pays de sombrer dans la dictature.

 

Q : Vous êtes très élogieux à l’égard de Xavier Duval…

R : Pas tout à fait. Mais j’aime bien qu’on se rappelle les contributions importantes que les politiciens, que ce soit sir Seewoosagur Ramgoolam, sir Gaëtan Duval, Paul Bérenger, ou Jugnauth père lui-même, ont fait parce que les gens ont la mémoire courte. J’ai entendu beaucoup de gens dire que Xavier Duval est un opportuniste. Je ne vais pas m’attarder dessus. Ce qui importe, pour moi, c’est que si quelqu’un a pris une bonne décision au moment précis, il mérite d’être félicité.

Pour revenir à votre question initiale, je pense que la mentalité de sir Anerood Jugnauth lui fait croire que les gens ne sont que des marchandises qu’il peut acheter et vendre à sa guise. Il va tenter d’acheter certaines personnes et il y aura probablement quelques-uns qui ont un prix sur leur tête. Mais cela ira à l’encontre de l’esprit démocratique et nous espérons que ceux qui sont dans l’opposition réalisent leurs responsabilités vis-à-vis du pays, de notre histoire et de notre avenir.

 

Q : Un remaniement ministériel, avec un nouveau chef à la tête du gouvernement, arrivera-t-il à redonner confiance aux investisseurs et à la population?

R : Le gouvernement qu’on appelait Lepep, qui était un ‘misnomer’ de toutes les façons puisqu’il était loin d’être pro-lepep, avait fait de grandes promesses qu’il n’a pu tenir. En fin de compte, la fameuse Alliance Lepep n’était qu’un ramassis de toutes sortes de gens qui n’avaient qu’une seule chose en commun : celle de servir leurs propres intérêts. Il n’y a rien que le gouvernement puisse faire pour redonner confiance à la population. Il a gagné les élections par défaut. Les gens ont cru en leurs promesses, telles que le deuxième miracle économique. Vous savez, il n’y a qu’un seul terme qu’on puisse utiliser pour comprendre l’esprit qui gouverne la logique de l’Alliance Lepep : déclare piti ki pas pou zotte. Il faut faire ressortir que durant la période de 1983 à 1990, soit au moment du premier miracle économique, c’est sir Satcam Boolell, et sir Gaëtan Duval, qui avaient tout fait pour attirer les investisseurs hongkongais à Maurice. Mais qui se targue d’avoir créé le miracle économique ? C’est Jugnauth.

 

Q : SAJ n’était donc pas le père du miracle économique ?

R : Non, pas du tout. Je vous donne un autre exemple. En 1987, on avait organisé un Festival de la mer, dont j’étais le directeur. C’est ce festival, étalé sur trois mois, qui avait relancé le véritable développement touristique. Les deux personnes qui étaient à la base du succès de ce festival étaient Gaëtan Duval et Armand Maudave. Jugnauth n’y comprenait rien. Le miracle économique dont il parle, c’est « pé déclare piti ki pas pou li ». Il en prend la gloire alors que ce sont les autres qui ont fait tout le travail. Au lieu de reconnaître la contribution de Gaëtan Duval, par exemple, SAJ avait voulu « casse so likou » en l’envoyant au cachot bien que ce dernier était claustrophobe parce qu’il commençait à être jaloux de la popularité et de la contribution de ce dernier au développement économique du pays.

Moi, je savais que SAJ ne pouvait jamais réaliser un deuxième miracle économique. Les projets ‘Metro Express’ (auparavant métro-léger) et l’Océanie bleue ne sont pas les siens, mais ceux de Navin Ramgoolam. « Péna simin »  qu’il apporte des solutions parce qu’il n’a pas de vision. Donc, ceux qui veulent rester au gouvernement peuvent le faire. Mais il faut qu’un parlementaire soit vraiment imbécile pour qu’il quitte l’opposition pour ce gouvernement qui est condamné à disparaître.

 

Q : Qu’en est-il de Pravind Jugnauth ? Pourra-t-il changer la donne une fois qu’il accède au Primeministership ?

R : Bon écoutez, si je l’appelle ‘zokrisse’, ce sera une insulte à ces derniers. Pravind Jugnauth, c’est quelqu’un qui n’a aucune vision et aucune compétence. Sa seule qualification c’est qu’il est le fils de SAJ. Il ne pourra pas diriger ce pays et apporter le développement général, la justice sociale, l’égalité entre hommes et femmes, le développement culturel, mais surtout une identité supra ethnique et une identité nationale. Je me demande s’il sait même ce qu’une identité supra ethnique veut dire.

 

Q : N’êtes-vous pas trop dur à son égard ?

R : Je suis un prof qui juge ses élèves d’après leurs compétences. Mo pas passe sirop.

 

Q : Certains au gouvernement se pencheraient plutôt en faveur d’une alliance avec le MMM. Ce scénario est-il envisageable ?

R : Je vais répondre d’une manière différente. Il y a certains qui veulent probablement,  pour sauver leur vie à l’intérieur du gouvernement, dormir dans le lit du MMM. Mais je ne crois pas que le MMM accepterait de marcher avec ces ‘bathiaras’. Si le MMM songe à faire quelque chose de ce genre, alors il va se noyer ensemble avec eux. C’est une solution pour une poignée de personnes, mais pas une solution nationale.

 

Q : C’est quoi la solution, selon vous ?

R : Entre mes engagements au sein du PTr et mes convictions personnelles, j’ai ma propre idée de ce que la solution devrait être. Et là, je parle en mon nom personnel. Moi, j’aurais souhaité qu’on concrétise une alliance de développement avec le PTr, le MMM et le PMSD. Tout le monde va me dire que c’est impossible. Moi je pense le contraire. On n’a qu’à voir ce qui se passe ailleurs. On parle de la globalisation comme si c’était une solution miracle. Or, les experts nous disent de plus en plus que celle-ci ne marche plus, car il a permis à une poignée de personnes de devenir hype-riches et aux autres de s’appauvrir davantage. Ce qui explique la décision des Anglais de voter pour le Brexit et celle des Américains de voter pour Trump. Le courant de la globalisation s’éteint. Mais il y a des imbéciles à Maurice qui parlent toujours de globalisation.

Avec le changement climatique et le ‘global warming’, il nous faut penser à un autre type de développement. Au MSM, on n’a que des néo-libéraux. Or, le néo-libéralisme n’est pas une solution. Malheureusement, le MMM s’est également plongé dans le néo-libéralisme. Mais le MMM avait débuté avec des idées socialistes. Je souhaite qu’il se ressaisisse. Le PMSD s’appelle social-démocrate. Les fondements du PTr c’est le socialisme. Donc il y a une possibilité, d’un point de vue idéologique, que ces trois partis puissent travailler ensemble. Selon moi, un gouvernement avec Navin Ramgoolam comme Premier ministre, Xavier Duval comme Deputy Prime Minister (DPM), et Paul Bérenger comme Président mais avec certains pouvoirs, dont celui de créer une nation, car on n’en est pas une, devrait permettre de résoudre les problèmes du pays.

 

Q : Mais le PMSD souhaite présenter Xavier Duval comme Premier ministre aux prochaines élections. C’est ce que nous a dit Mamade Khodabaccus dans un entretien qu’il nous a accordé la semaine dernière. Croyez-vous que cela soit réalisable dans le contexte mauricien ?

  • Pravind Jugnauth, c’est quelqu’un qui n’a aucune vision et aucune compétence. Sa seule qualification c’est qu’il est le fils de SAJ.

R : Je n’y crois pas. Le Dr Khodabaccus est un bon ami à moi et je ne voudrais pas croiser l’épée avec lui. Mais, je pense qu’il n’a pas bien compris les réalités ethniques à Maurice. Il est clair, aujourd’hui, que la masse hindoue et musulmane se retrouve dans et derrière le PTr. Il ne reste donc que la population générale. Les deux partis qui pêchent dans ce barachois sont le PMSD et le MMM. Il y a, valeur du jour, un combat entre ces deux partis pour voir qui deviendra le Roi des Créoles. Xavier peut tenter sa chance, mais Xavier n’est pas Gaëtan. De l’autre côté, dans l’esprit des afro-créoles, Bérenger est déjà leur leader. Je peux d’ailleurs vous assurer qu’au moins 60% de la population générale est derrière le MMM. Et c’est là, un des problèmes  majeurs du MMM. Il y a des Vaishs à l’intérieur du parti qui veulent prendre le leadership. Mais en cas d’une telle éventualité, cette frange de l’électorat ne suivra pas le parti. Il ira alors avec le PMSD. Pour l’instant, Paul Bérenger est condamné à rester le leader du MMM. Mon souhait d’alliance, tel que je vous l’ai dit, donnera la possibilité à Bérenger de se libérer et d’aider plutôt à la construction du pays.

 

Q : Partagez-vous l’avis du PMSD qui réclame la tenue des élections municipales dans les villes?

R : Je pense que le même argument dont le PMSD se sert pour demander des municipales devrait être utilisé pour réclamer des élections générales. Pour pouvoir sauver Maurice, il faudrait d’abord des élections générales, suivies des municipales. Mais, il faut d’abord qu’il y ait ce nouveau front, soutenu par un programme électoral bien défini. Je fais partie du BP du PTr. On n’en n’a pas encore discuté jusqu’ici. Mais quand le temps viendra, je défendrai ce point de vue et je militerai dans cette direction.

 

Q : En parlant du BP, certains au sein du PTr soutiennent que vous n’êtes pas passé par le congrès annuel avant d’y être nommé. Est-ce vrai?

R : Oui, c’est vrai. D’après ce que j’ai compris, le leader a le pouvoir de coopter certaines personnes pour intégrer le BP. D’où ma présence, ainsi que celle de Brian Glover, au sein du BP rouge. Jusqu’à présent, j’ai assisté aux réunions plus en tant qu’invité parce que les dirigeants pensent que je pourrais aider dans la réflexion, à l’organisation du parti ainsi qu’aux congrès. Je serai là tant que le parti aura besoin de moi. Après, on verra.

 

Q : Le Nine-Year Schooling est déjà en marche. En tant que pédagogue, qu’est-ce que ce nouveau système éducatif vous inspire?

R : Le Nine-Year Schooling ne changera rien. Au contraire, la situation va s’aggraver. On a aboli le CPE, mais on l’a remplacé par un autre examen. Auparavant, il n’y avait que les examens du CPE, le SC et le HSC. Maintenant, il y aura les examens à la fin du Grade 6, la Form 3, le SC et le HSC. Ce qui fait un examen additionnel, donc plus de stress. On a introduit des ‘non-core subjects’, ce qui est très bien, mais de l’autre côté, on introduit également les ‘continuous assessments’. Tous ceux qui défendent le Nine Year Schooling sont d’accord avec le fait qu’on ne pourrait empêcher la prolifération des leçons particulières. Au contraire, celles-ci fleuriront davantage. Auparavant, les élèves commençaient à prendre des leçons à partir de la quatrième jusqu’au CPE, et ensuite de la Forme 4 jusqu’au HSC. Mais avec les contrôles continus, ils devront prendre des leçons à partir de la quatrième jusqu’au HSC, et ce d’un seul trait. Le hic c’est que ceux qui prennent des leçons avec leurs profs auront de meilleures notes que ceux qui n’en prennent pas. On est en train de donner aux enseignants un outil qui pourrait apporter une corruption généralisée dans le domaine de l’éducation. Si on prend tout cela en considération, on verra que ‘noune sappe dans karaye, noune tombe dans difé’.

 

Q : Avez-vous un projet pour réformer le système éducatif ?

R : Vous savez, 70 % de la population ne sait ni lire ni écrire. Selon le chiffre officiel, le ‘literacy rate’ est à 90%. Mais si cela est vrai, qu’on enlève les symboles sur les bulletins de vote ! Notre système électoral s’effondrera. L’éducation doit s’assurer que tous les élèves du primaire puissent lire, écrire et compter. J’ai effectivement un projet. J’ai un programme qui peut être inséré dans le Nine-Year Schooling, pour ne pas bouleverser le système encore, afin de résoudre le problème de ‘literacy’. Dès que le gouvernement change, je lui donnerai le programme et lui expliquerai comment l’ap