Cité Sugar Planters

Ils sont sans eau et sans électricité depuis qu’ils sont arrivés sur ces terres vers la fin de l’année dernière.  Une vingtaine de famille qui squattaient plusieurs endroits dans les environs de la capitale ont reçu depuis 2016 leurs documents de la part du gouvernement certifiant qu’ils peuvent désormais construire leurs maisons sur les terres de l’État dans un coin perdu de Pointe-aux-Sables, à proximité d’une cité de la National Housing Development Corporation (NHDC), la Cité Sugar Planters. Il y a toutefois un monde de différence entre la cité de la NHDC et l’agglomération des ex-squatters.

 

Le soleil est au rendez-vous et les habitants, du moins ceux qui ne sont pas au travail, s’adonnent à leurs activités matinales. Lorsque nous arrivons sur les lieux, tous les regards sont braqués sur nous.  C’est avec beaucoup de méfiance que les gens présents nous abordent  et finalement on arrive à briser la glace quand une femme répondant au nom de Marie-Lourde Bégué et son époux Clairot Bégué viennent vers nous. Quelques minutes après, nous sommes entourés de monde et nous seront ensuite rejoints par les membres de l’ONG Faith et son responsable, Patrice Armance.

Immédiatement, les habitants commencent à nous expliquer leurs problèmes et une visite guidée des lieux s’organise.  Deux rues asphaltées, aucun lampadaire, un tuyau au ras du sol qui est supposé transporter l’eau et plusieurs lopins de terre en friche. C’est là le décor qui se dresse devant nous. Lors de la visite guidée par quelques hommes habitant la cité, nous arrivons sur une plaine rocheuse. À quelques mètres de nous se dresse quatre constructions en tôle et en bois, isolés des autres constructions.  Aucun tuyau, aucuns travaux d’asphaltage, bien que les piquets montrent le tracé d’un chemin, bien que le chemin lui-même est inexistant.

Plus de 4 mois qu’ils attendent l’eau courante et l’électricité

Vivre un jour sans électricité et eau courante peut paraitre une éternité pour beaucoup, mais pour les habitants de cette cité, cela fait plus de 4 mois qu’ils attendent que les autorités accèdent à leurs demandes pour fournir ces deux nécessités.  Pourtant, les habitants disent avoir multipliés les démarches auprès du ministère du Logement et des Terres, avec plusieurs va-et-vient au bureau de ce ministère à Ébène, en vain.  Sollicité par Sunday Times pour un commentaire, aucun officier n’a voulu se prononcer et l’attaché de presse du ministre n’a pas répondu à nos appels.

«Zot ine rode tire nou dan pauvreté mais ine mett nou pliss dan pauvreté ! Nou ti bien cot nou ti été, nou pane refize vine la mais au moins fer nou gagne bane zafer ki nou bizin pou vive. Situation pas bon ditout, péna courant, péna dilo. Zenfant pas rode ale lékol akoze zot uniforme pas dréssé dan gramatin. Dilo péna pou zot baigné », explique Marie-Lourde Bégué, mère de quatre garçons. Clairot, son époux, fait face au même problème : « Mo travail sécurité, asoir kan mo ale travail, mo pas gagne repasse mo uniforme, mo gagne problème dan travail », dit-il.

Clairot nous emmène faire le tour de sa maison en tôle. Deux pièces, un lit, un fauteuil et quelques vêtements çà et là. Clairot a pu se procurer un générateur électrique qui fonctionne avec de l’essence.  « Li pas facile pou mo asté l’essence par galon, ene galon Rs 200 tou léjour, kot mo pou gagne sa moi ? », dit Clairot.

Manque inquiétant d’infrastructures

Les habitants doivent aussi faire face à un manque inquiétant d’infrastructures dans leur quartier. « Bane zenfant kan zot en conzé pena nanié zot capave fer ici. Péna oken sports zot capave pratiquer. Couma perdi zot de vue, zot dan bord la mer. Ou conné ou meme couma la mer danzéré par ici (NdlR : le site se trouve non-loin du tristement célèbre Montagne Jacquot)», s’insurge Marie-Lourde. Elle est rejointe par une voisine, qui met aussi en exergue le manque de sécurité. « Lot soir, ti éna volère kot nou camarade. Asoir tann dimoune pé marsé lor lakaze, péna la lumiere, couma pou conné kisanla ki pé rode rentre cot ou », nous dit-elle.

Un handicapé de 12 ans dans ce taudis

On va nous faire part de la présence d’un garçon souffrant d’un handicap dans la cité. Intéressés de voir les conditions  dans lesquelles vit le garçon, nous nous rendons à son domicile et nous sommes choqués par ce que nous constatons.

Une pièce en tôle, un sol en béton, un matelas au ras du sol, pas de toilettes, pas de salle de bains, des résidus de bougie traînant à droite et à gauche. Olivier, 12 ans, habite avec sa mère Priscilla, son père et sa petite sœur.

Olivier souffre d’une malformation au niveau de la jambe, ce qui limite ses mouvements. Il est scolarisé mais ses parents attendent que son transfert soit approuvé pour qu’il puisse étudier à l’école la plus proche. Toutefois, les parents d’Olivier se demandent comment ils feront pour déplacer l’enfant quotidiennement vers l’école alors qu’ils sont eux-mêmes dans une situation difficile. Peu bavarde, Priscilla nous dira simplement qu’elle vit l’enfer et qu’elle ne peut travailler, car elle doit s’occuper de son fils. Pour pouvoir prendre une douche, la famille doit attendre qu’il fasse nuit et pour les toilettes, ils doivent se rendre chez un voisin, qui a pu au moins se trouver un peu d’eau.

Patrice Armance : « Danger en cas de grosses pluies » 

  • Le ministre Alain Wong agacé !

Le député du PMSD de la circonscription no 1, Patrice Armance, a rendu visite aux habitants de la cité Sugar Planters pour la première fois en décembre 2016. « Je suis choqué par les conditions dans lesquelles ces gens vivent. Jusqu’ici, de nombreux ONG ont aidé ces gens. Je suis très concerné vu que ce terrain retiendrait l’eau, ce qui peut être dangereux en cas de pluie ou de cyclone.»  Le député a soulevé ce problème au Parlement récemment et dit suivre de près la situation.

Sollicité pour une réaction, le ministre de l’Intégration sociale, Alain Wong, n’a pas souhaité nous répondre, préférant nous renvoyer à la National Empowerment Foundation. Il nous dira quand même qu’il est « agaçé » par certains articles de presse. Du côté de la NEF, le Chief Administrator, Clive Auffray nous informe que la situation est suivie de près par cette institution et que des actions concrètes seront prises bientôt par la NHDC pour la fourniture de courant et d’eau potable aux habitants.

Marwan Dawood

Photos : Sheikh Qalam