Des conséquences lourdes pour notre environnement

Metro Express

La signature du contrat entre le gouvernement mauricien et la firme indienne Larsen and Toubro s’est faite lundi après-midi à Ébène.  Cependant, toutes les questions sur ce projet n’ont pas de réponses adéquates, comme c’est le cas en ce qui concerne l’impact environnemental que représente ce projet massif pour le pays. Pour des raisons propres à lui, le gouvernement a fait une demande d’exemption d’une Environmental Impact Asessment (EIA) sous l’Environment Protection Act pour aller de l’avant avec le projet.  Un projet qui n’est pas sans risques, hélas !

Marwan Dawood

L’Environment Protection Act de 2002 a été amendée en 2008 et donne une liste des projets qui demandent une Étude d’impact environnementale (EIA). Le Fifth Schedule de cette loi et les sections 15(2), 16(1), 17(1) et (2), 18(1) et 28, partie (B), définissent les projets qui demandent un EIA. La section 18 mentionne quant à elle ‘Highway and Mass Transit System’.  Cependant le gouvernement a fait une demande d’exemption sous la section 28(1) de la loi qui stipule « The minister may declare an undertaking specified in Part B of the First Schedule by a public department, which, in his opinion, is urgently needed in the national interest or for the economic development of Mauritius, to be an exempt undertaking » .

Nous avons cherché l’avis d’un expert en matière d’environnement. Vassen Kauppaymuthoo nous explique que le gouvernement a eu tort de ne pas chercher une Étude d’impact environnementale pour ce projet.  Une étude qui aurait agi comme un garde-fou. « Outrepasser cette procédure implique un passage en force d’un projet sans prendre en considération les aspects environnementaux ou sociaux et cela sans consultation publique. Le danger qui se pose quand on saute une étape aussi cruciale par rapport aux considérations environnementales et sociales, c’est que l’on prend un risque important et que la responsabilité des autorités est engagée en cas de désastre », explique Vassen Kauppaymuthoo.

Maurice fait fi de ses engagements internationaux

Parmi les dangers qui nous guettent, nous retrouvons incontestablement la destruction des espèces protégées. « Exempter un tel projet nous fait prendre des risques et cela ne concorde pas, selon moi, avec les engagements internationaux de développement du gouvernement mauricien. Je pense qu’on a voulu aller vite, en prenant des risques ; c’est comme dépasser la limite de vitesse pour arriver à l’heure à un rendez-vous, avec le risque de provoquer un accident grave et ainsi de blesser ou de tuer d’autres personnes… », affirme l’expert en environnement.

L’électricité du Metro Express produite à partir de quoi ?

Vu que le Metro Express pourrait réduire le taux de CO2, Vassen Kauppaymuthoo estime que le passage aux modes de transport de masse alternatifs est « inéluctable ». Cependant, une question importante se pose et il ne faut pas oublier que le métro utilise de l’énergie électrique.  Solaire ? Maurice est un pays avec en moyenne 7 heures d’ensoleillement au quotidien et doit satisfaire la majorité de ses besoins en électricité avec du pétrole ou du charbon. « Une consultation et une campagne de communication publique plus large et surtout dans le respect des procédures de protection environnementale, un EIA fait en bonne et due forme, avec une prise en considération de l’impact global, depuis la production électrique jusqu’au trajet aurait été mieux », déclare Vassen Kauppaymuthoo. Si le pays pourrait économiser de l’argent sur l’importation de carburant pour les voitures, en contrepartie on verra grimper la note en ce qui concerne la consommation électrique liée au Metro Express, qui résultera finalement en une augmentation de la production électrique à l’huile lourde ou au charbon.

De graves dangers pour l’environnement

En termes de protection de l’environnement, le Metro Express représente bel et bien un danger. Vassen Kauppaymuthoo explique que ce n’est pas pour rien que la section 18 du Fifth Schedule est explicite que ce type de projet nécessite une étude d’impact environnementale. Par ailleurs, il faut savoir que les projets sur cette liste non-exhaustive représentent par essence, une menace environnementale, et c’est pour cela qu’ils requièrent cette étude.

 «Un projet comme celui-là aura de lourdes implications environnementales, en termes de bouleversements des infrastructures, des terrains et des bâtiments, qui devront être acquis par les autorités pour le passage des lignes ; en termes d’électrification, de bruit, de vibrations, de mécontentement populaire, d’impact économique ; d’impact sur le trafic automobile aussi car les véhicules convergeront vers les stations de métro ; il faut également mentionner les commerçants qui seront situés près des voies ferroviaires qui risquent de faire faillite avec le changement de parcours des clients potentiels ; la destruction du patrimoine historique et de la biodiversité existante, et aussi des désagréments durant la phase de construction du réseau », explique le Registered Professional Environmental Engineer.

Et la santé humaine dans tout cela?

Il est indéniable qu’une fois les travaux complétés et le projet Metro Express en phase opérationnelle, certaines personnes remarqueront un changement au niveau du bruit ambiant et des vibrations liées au passage des rames. « Ces vibrations pourraient avoir un impact sur les bâtiments en béton qui risqueraient de voir apparaitre des fissures car le poids des rames et la circulation sur les rails transmettent des vibrations plus ou moins importantes dans le sol, qui les transmet aux fondations des immeubles. On pourra alors voir par exemple des personnes qui auront du mal à dormir avec les vibrations », explique Vassen Kauppaymuthoo. Et il ne faut pas être un génie pour savoir les effets du manque de sommeil.

«Je pense réellement que cette problématique aurait dû faire l’objet d’une étude préalable au niveau de l’Étude d’impact environnementale et qu’il est dommage que l’on ait voulu sauter cette étape pour aller vite », poursuit-il.

Le gouvernement a sciemment décidé d’esquiver ses responsabilités en matière d’environnement

Les autorités ont beau essayé de convaincre la population sur la viabilité économique de ce projet mais comment vont-ils faire en ce qui concerne l’environnement ? Ce projet n’est pas viable d’un point de vue environnemental, comme nous l’explique une nouvelle fois, Vassen Kauppaymuthoo, « C’est la question majeure que pose le projet de métro léger et malheureusement les autorités ont refusé de la poser quand elles ont décidé d’exempter le projet de l’EIA Licence. Seule une Étude d’impact environnementale sérieuse aurait permis de dissiper les craintes, de déterminer les risques environnementaux, sociaux et économiques liés au projet et d’établir une communication avec la population et ceux qui utiliseront ce mode de transport alternatif et ceux qui seront affectés par son opération. L’EIA n’est pas un obstacle, mais un facilitateur, ce n’est pas une perte de temps mais une résolution de problèmes avant qu’ils n’arrivent, ce n’est pas bloquer un projet, mais l’intégrer dans le futur que nous voulons tous, c’est aussi s’engager dans la voie du développement durable. Dans le cas du métro léger, les autorités ont décidé d’exempter un projet majeur de l’EIA, avec toutes les conséquences que cela comporte, une lourde responsabilité par rapport à l’avenir de notre pays qui en sera à jamais marqué… »