Dans l’ombre d’une prochaine délocalisation

Marchands ambulants de Port -Louis

  • Hydar Ryman en attente d’un éclaircissement du ministre Bodha

Les marchands ambulants de l’île, particulièrement ceux de la capitale, sont toujours dans l’incertitude. Après l’annonce de la prochaine délocalisation des commerçants de l’Arab Town à Rose-Hill pour l’aboutissement du Metro Express, survient maintenant celle prévue des marchands de la capitale. Ces derniers devront bientôt quitter la place Decaen et celle de l’Immigration pour laisser la place à l’Urban Bus Terminal.

Les voici dans une autre situation d’incertitude et d’inquiétude après la délocalisation d’avril 2016, voire après 15 mois. Les marchands ambulants auront ainsi à quitter d’ici décembre la place Decaen et celle de l’Immigration, vu que la construction de l’Urban Bus Terminal débuterait cette année même.

Ces derniers affirment être dans une situation inquiétante et confient que de nombreux marchands ont dû cesser d’exercer ce métier par manque de revenus, suite à la délocalisation de l’année dernière.

Dans le cadre de la présente délocalisation, les membres de l’Association des marchands ambulants ont eu trois rencontres avec les autorités ces trois dernières semaines. L’une avec le secrétaire de la mairie de Port-Louis et les deux autres avec le ministre Mahen Jugroo. Une prochaine rencontre aura lieu avec le ministre Nando Bodha pour plus d’éclaircissement.

Hydar Ryman, de l’Association des marchands ambulants : « Nous allons collaborer »

Hydar Ryman, le président de l’Association des marchands ambulants, partage le même état d’esprit que son entourage. Les marchands ambulants sont toujours dans le rouge, avec des conditions difficiles imposées par leur situation et accusant dans certains cas une baisse de profits pouvant aller jusqu’à 75 %, explique-il.

Toutefois, après les diverses rencontres avec les autorités, il est d’avis que la seule façon d’améliorer la situation actuelle serait de collaborer avec ces dernières. Il nous apprend également qu’un total de 1 600 à 1 700 étals, soit 1 200 à la gare Victoria et 400 à 500 à la gare du Nord, sont prévus pour les commerçants des rues de la capitale après l’aboutissement de l’Urban Bus Terminal. « Nou association pu collaborer et pou atann négociation ek plis éclaircissement avec ministre », confirme-il.

Les colporteurs rongent leur frein

Jaabir Ajaree, marchand ambulant depuis sept ans, réfléchit aux conséquences d’une nouvelle délocalisation. «  Plis qui ene an nou la, nou penkor bien rétabli financièrement mais nou capav dire ki ena ine fer ene clientèle ici », explique-il, ajoutant que les fêtes de fin d’année en décembre sont leur seul espoir. Il ajoute qu’aucune communication n’a eu lieu avec la mairie concernant une quelconque décision permanente durant ces 15 mois, comme initialement prévu : « Arête zouer ek nou, nou pe rode nou la vie nou osi. »

Plus loin à la place Decaen, nous rencontrons une jeune commerçante de 29 ans, Nushrat Tinkery. Les conditions dans lesquelles elle travaille sont désolantes. «  Mo panne gagne place ici et pour capav travay mo bizin veiller kisanla pane vini pou mo capav poz mo bane lartik lors so stand », nous a-t-elle expliqué. Elle fait donc un appel au Lord-maire  de faire une ‘site visit’ et de mettre de l’ordre dans ce cafouillage. Pour ce qui est d’une délocalisation, elle craint le pire puisque la dernière fois, il n’y avait pas assez de contrôle.

Pas d’actualité !

Nous avons tenté d’avoir plus d’éclaircissements auprès du Lord maire, Daniel Laurent, mais il est resté injoignable. Du côté du ministère des Collectivités locales, on nous affirme que cette nouvelle ne serait pas d’actualité…

À la place Decaen, gare Victoria

Mouches, odeur nauséabonde, eau stagnante…. conditions insalubres pour les marchands ambulants

À la gare Victoria, plusieurs marchands sont à bout de force… et de leur voix. Depuis quelques mois, ces derniers sont dans des eaux troubles, sans jeu de mots. Une fissure d’un tuyau de la Wastewater Management Authority (WMA) les oblige à travailler dans des conditions inhumaines. Mouches, odeur nauséabonde, et autres dangers pour leur santé sont au rendez-vous. Louis Romeo Rabaye, un marchand de légumes, travaille juste à côté de cette fissure.

« Depi deux trois semaines, nous pé fer complainte meme, kouma  dire pe koz dans vide. Sak semaine, journalistes vini. Encore parey. Nepli koné kouma pou gagne la vie », dit-il.

À quelques mètres du tuyau cassé, dans une marre d’eau puante, Rosinette Philippe étale ses légumes. Elle nous hèle. « Ou koné ki kantité diffikilté mo gagné ici ? Tellement li malang, sa bann delo malpropre la koulé ici. Tou les gramatin, mo bizin retrousse mo lamans pou netway sa plas la ek après mo bizin servi desinfektant », martèle cette mère de famille.