Dans le sillage du Wakashio : Les skippers et les plaisanciers toujours en attente de la ‘Solidarity Grant’ depuis août

 

Les skippers et les plaisanciers de la côte du sud-ouest, durement impactés par le naufrage du Wakashio, attendent toujours depuis deux mois l’aide gouvernementale de Rs 10 200. Mais c’est le cafouillage du côté des autorités. Idem pour le dédommagement promis par l’assureur du Wakashio. En attendant, les skippers et les plaisanciers, ainsi que leurs familles, ne subsistent que grâce aux colis alimentaires des ONG.

Cela fait environ trois mois que le travail des plaisanciers, des pêcheurs, des skippers, voire des   commerçants du sud-est, a connu une interruption brutale par la catastrophe du Wakashio. Le déversement d’hydrocarbures a affecté l’écologie marine et par ricochet, ceux qui gagnaient leur vie grâce à la pêche et par d’autres activités liées à la mer.

Pour venir en aide à ceux touchés par cette catastrophe, le Premier ministre adjoint, Steven Obeegadoo avait, lors d’une réunion le 25 août dernier, pris en considération les doléances des personnes touchées et avait annoncé qu’une somme de Rs 10 200, connue comme ‘Solidarity Grant’, sera allouée à ceux qui se sont fait enregistrer auprès des autorités. En outre, l’assureur du Wakashio, une firme japonaise, avait entrepris de rembourser les dégâts causés par la marée noire à l’environnement.

Toutefois, c’est le flou qui prédomine. Beaucoup de plaisanciers et de skippers n’ont pas encore reçu cette aide de Rs 10 200 depuis le mois d’août. En ce qui concerne les réclamations à l’assurance, personne ne sait trop vers qui se tourner.

Tony Apollon, le porte-parole du comité des plaisanciers du sud-est, est très remonté contre cette situation. Il dénonce l’absence de transparence entourant la ‘Solidarity Grant’, et sur l’argent qui est supposé venir des assureurs. « Dans une situation comme celle-ci, où la transparence est nécessaire, on aurait pensé qu’il y aurait des réunions et des séances d’explications, mais tel n’est pas le cas. Personne n’est au courant de rien », nous dit Tony Apollon.

En ce qui concerne la ‘Solidarity Grant’, le problème se situerait au niveau de l’enregistrement pour recevoir cette aide. Cet enregistrement se fait en ligne, et où les cafouillages sont légion. Il y aurait aussi plusieurs personnes qui se font passer pour des skippers pour pouvoir empocher cet argent, et les vérifications prennent plus de temps que d’habitude.

Toutefois, Tony Apollon n’admet pas trop cette explication, alors qu’il y a des familles entières qui sont sur le fil du rasoir. Il dit comprendre qu’au niveau des autorités, il peut y avoir des problèmes, comme des informations incomplètes qui sont soumises par les bénéficiaires. Mais « Deux mois pour effectuer des vérifications, c’est quand même farfelu ! », fustige-il

Tony Apollon estime qu’il y aurait pourtant une solution simple : les autorités concernées auraient dû établir la liste des bénéficiaires à partir des plaisanciers et des skippers enregistrés au niveau de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA).

Selon lui, les ‘banyans’ et les pêcheurs ont bien reçu leur argent, et ce sont principalement les skippers et les plaisanciers qui attendent toujours. « C’est un cauchemar pour ces gens, car ils doivent se fier aux dons des ONG afin de pouvoir nourrir leurs familles », lance-t-il.

Hors-texte

Les skippers : « Nous dépendons sur les colis alimentaires pour survivre »

Nous sommes partis à la rencontre des skippers qui nous expliquent la situation inextricable dans laquelle ils se trouvent.

Abigail (prénom fictif) est  ‘skippeuse’ depuis 20 ans. Elle nous relate le calvaire auquel elle fait face en ce moment. « Ce sont mes parents retraités qui doivent me nourrir à l’âge de 37 ans », nous dit la trentenaire.

Elle explique aussi qu’elle a beaucoup de retard pour payer les cotisations de son assurance médicale. Elle a dû souscrire à cette assurance depuis des années car elle souffre de problèmes de santé. Elle ne veut à aucun prix que la somme d’argent à laquelle elle a contribué depuis tant d’années soit déclarée forfait.

Elle avait fait l’acquisition d’une voiture en janvier à crédit, mais en mars, la pandémie a eu des retombées négatives pour elle. Elle a fait par la suite plusieurs demandes pour bénéficier d’un moratoire sur les paiements, mais elle n’a pas eu pas de réponse pour l’heure. Au quotidien, elle ne sait trop comment faire pour se procurer de l’essence pour pouvoir faire rouler sa voiture.

Malgré les problèmes auxquels elle fait face, Abigail participe à la distribution des colis alimentaires par les ONG aux skippers qui sont dans la même situation qu’elle. « Nous ne dépendons plus que sur cela pour sur vivre », nous lance-t-elle.

Abigail nous a emmenées à la rencontre de quelques familles de skippers, à quelques encablures de là. Un couple nous explique qu’il a trois enfants, âgés entre 11 et 14 ans. Le mari est lui aussi skipper. Il cherche du boulot à gauche et à droite, ce qui est difficile pour lui, car les employeurs demandent toujours un minimum d’expérience, alors qu’il ne sait faire que le métier de skipper. De plus, l’épouse du skipper est enceinte. Malgré cela, elle doit chercher du boulot elle aussi, ce qui n’est pas évident pour une femme enceinte. Mari et femme avaient contracté un emprunt auprès de la banque et ne savent trop comment ils vont faire pour rembourser cet emprunt.

Nous faisons la rencontre d’un autre couple. Mari et femme sont skippers tous les deux. L’homme souffre déjà de cancer, et s’est fait opérer deux fois en Inde. Il devait s’y rendre encore une troisième fois cette année, mais par faute de moyens, il ne pourra s’y rendre de sitôt. Il nous explique que leur fils de 13 ans devra peut être arrêter l’école par manque de moyens.

Neevedita Nundowah