Crimes de sang en hausse à Maurice : Que faire devant cette montée de la criminalité ?

Chaque semaine, on entend un crime de sang qui fait les gros titres de la presse. Pas plus tard que mardi dernier, une trentenaire a mortellement poignardé son concubin d’une quarantaine d’années à Vacoas. Faut-il en conclure que le taux de criminalité dans le pays connait une hausse continuelle ? Et si oui, quelles en sont les causes ? Doit-on voir là une dégradation des mœurs ? Est-ce que des facteurs sociaux comme l’alcool, la drogue, la pauvreté, ou les problèmes familiaux sont responsables ? Doit-on durcir les lois, voire même réintroduire la peine de mort ? Ou bien faudrait-il un retour vers les valeurs d’antan ?

 

Ibrahim Koodoruth, sociologue

ibrahim sociologue 1« Une rééducation de la population sur les valeurs morales est nécessaire »

Nous nous sommes tournés vers Ibrahim Koodoruth, sociologue,  pour en connaitre plus sur les facteurs sociaux qui peuvent avoir une influence sur le taux de criminalité.

Pour le sociologue, il y a plusieurs facteurs qui poussent une personne à commettre un homicide volontaire, voire un meurtre. L’alcool, les drogues, les problèmes de couple et les problèmes familiaux sont les principaux facteurs qui peuvent provoquer un crime de sang.

Ces facteurs  incluent des raisons personnelles ou émotionnelles. Par moments, certaines personnes ne peuvent gérer leurs émotions.  Quand on parle d’émotions dans un cas de meurtre, le plus souvent, on a affaire à des crises de jalousie ou de colère, ou même la frustration. La personne souffrant de ces troubles émotionnels cherche alors une proie ou un exutoire.

Le sociologue soulève aussi la question de l’impact des films violents sur les jeunes et d’autres personnes impressionnables. Ibrahim Koodoruth est d’avis que les films avec des scènes de violence extrême peuvent aussi être un facteur à risque, car les réalisateurs ont tendance à banaliser ces actes de violence.  Il ajoute toutefois que cela dépend aussi des antécédents et du milieu de la personne, car la grande majorité de ceux qui regardent les films violents ne commettent pas de crime.

Le sociologue avance aussi que les Mauriciens, plus particulièrement les jeunes, ont été beaucoup confrontés ces dernières années à des valeurs « importées » à travers l’internet.

Dans ce contexte, il suggère que le gouvernement doit aider les gens à mieux gérer leurs problèmes à travers des programmes sociaux. Il prône pour une « rééducation de la population sur les valeurs morales ».

 

Quelques crimes commis à Maurice qui ont marqué les esprits

3 octobre 1951 

Deux écoliers trouvent la mort après une agression

Qui ne se souvient du crime de la Citadelle ? Deux écoliers, un garçon et une fille, 8 et 5 ans respectivement sont agressés sexuellement par des malfrats à la Citadelle à Port-Louis. Ils sont par la suite poussés dans un ravin, ce qui cause leurs décès par noyade. Fait marquant : 300 personnes ont été interrogées dans cette affaire, parmi 15 qui ont été arrêtées. Trois personnes sont condamnées à la peine de mort par pendaison.

3 juillet 2005 

Le corps d’une fillette de 3 ans retrouvé dans un sac en plastique en mer

C’était le choc dans le pays, vu l’âge de la petite victime. Anita Jolita, 3 ans, est violée et sodomisée avant d’être balancée en mer à Cité-La-Chaux à Mahébourg. Son corps a été retrouvé enveloppé dans un sac en plastique, flottant en mer. Deux mineurs, Ludovic Prodigue et Jean Mervyn Roberto Lotoah, sont arrêtés et condamnés. Ils ont été infligés d’une peine d’emprisonnement de 26 ans et de 40 ans respectivement.

5 novembre 2005 

Un homme étouffe sa femme entre ses jambes

Un jeune couple aurait eu une vive dispute dans le 4 x 4 dans lequel ils voyageaient vers Laventure. Rouge de colère, Yashodas Veeranah a coincé la tête de sa femme Nisha entre ses jambes, l’étouffant mortellement. Le meurtrier aurait par la suite caché le cadavre de Nisha dans le caisson de son 4×4 avant de retourner à la maison. Il aurait ensuite enterré le corps de la victime à St Martin le même jour. Yashodas est condamné à huit ans de prison en 2013, avec une réduction de sa peine.

10 janvier 2011

Michaela Harte tuée dans sa chambre d’hôtel

Ayant convolé en justes noces, le footballeur John McAreavey et son épouse Michaela Harte sont en lune de miel à Maurice et séjournent dans l’hôtel Legends à Grand-Gaube. La jeune femme est retrouvée morte dans sa chambre, ayant été étranglée. L’affaire a connu un grand rebondissement à Maurice comme en Irlande. Deux employés de cet hôtel sont accusés d’avoir commis le meurtre mais sont acquittes par le jury d’assises le 12 juillet 2012. Depuis, l’affaire reste toujours un mystère.

1er février 2008 

Il tue son meilleur ami et l’enterre dans sa cour

Jairaj Jeea, 25 ans, était porté manquant depuis le 1er février 2008 mais est retrouvé quatre jours plus tard trois pieds sous terre, sous une plaque de béton. Et ce, dans la cour de son meilleur ami Shyam Sooknauth. Ce dernier est arrêté et passe aux aveux. Il avoue avoir agressé l’habitant de Lallmatie à coups de sabre car il soupçonnait que ce dernier entretenait une relation extra-conjugale avec sa femme. Le suspect est condamné à 30 ans de prison après que l’affaire ait tourné en cour pendant cinq années.

9 janvier 2014 

Il coupe sa femme au grinder et la jette dans un ravin

Ce crime a fait couler beaucoup d’encre. Deepa Takoordyal, 33 ans, a été tuée et découpée au grinder par son époux Ashish Takoordyal, et son corps a été balancé dans un ravin dans deux sacs en plastique près de la montagne de Trois-Mamelles. À l’origine du drame, un soupçon d’infidélité qu’a eu Ashish sur Deepa. Suite à une dispute, la trentenaire est tombée et a perdu connaissance. C’est alors qu’Ashish est passé à l’acte en étranglant son épouse pendant dix minutes jusqu’à ce qu’elle rend l’âme. Il aurait par la suite caché le cadavre sous un lit et l’a découpé avec un grinder le lendemain. Le meurtrier est condamné à 35 ans d’emprisonnement pour ce ‘cold-blooded murder’,  comme décrit par le juge Nicolas Ohsan-Bellepeau dans son jugement le 12 janvier 2017.

2 mars 2016 

Reshma et Yeshna Rughoobinn tuées par le petit-ami de Yeshna

Ce cas de double meurtre à Camp-de-Masque-Pavé, avec comme toile de fond une affaire de cœur, hante encore les esprits des Mauriciens. Tushal, amouraché de Yeshna, 14 ans, ne supporte pas le fait que les parents de la jeune fille lui demande d’aller s’établir en Australie et de quitter Tushal. Ce dernier, vexé, s’est rendu au domicile de l’adolescente mais son chemin croise celui de la grand-mère de Yeshna. La tension monte. Le jeune homme sort un cutter et poignarde la dame de 54 ans. Yeshna et son frère ne sont pas épargnés par l’agresseur. Les deux femmes rendent l’âme suite à cette agression mortelle.

 

« Les peines sont assez sévères à Maurice »

Nous avons sollicité l’ancien magistrat Noren Seeburn en ce qui concerne l’aspect légal. Noren Seeburn fait une distinction entre les crimes de sang et la situation de ‘law and order’ du pays. Selon lui, les crimes de sang à Maurice sont plus des crimes passionnels, c’est-à-dire des crimes qui sont due à la passion humaine, comme la jalousie ou un désir de vengeance, entre autres.

Dans un contexte comme celui-ci, beaucoup de gens pensent que la loi n’est pas assez sévère, et que des peines plus sévères aideraient à diminuer le nombre d’homicides ou de meurtres dans le pays. L’ancien magistrat est d’avis que, si la loi est plus répressive ou si la peine est plus sévère, généralement cela peut aider mais il y a toutefois une limite à atteindre, et selon Noren Seeburn, les lois punitives de Maurice son assez sévères.

La réintroduction de la peine de mort serait-elle une solution ? Le juriste met l’emphase sur le fait que les crimes qui font la une des journaux sont généralement des crimes passionnels, et que dans ces cas-là, la peine de mort n’est généralement pas applicable, car le prévenu a tué sous l’effet de la colère ou de la jalousie et qu’il n’a pas prémédité son crime. Or, la peine de mort n’est normalement appliquée que pour les crimes prémédités.

 

Les sentences applicables en cas d’homicide

Section 222 du Code pénal

 Penalty for murder and infanticide

Any person who is convicted of – (a) murder or murder of a newly born child, shall be sentenced to penal servitude for 45 years; (b) attempt at murder or attempt at murder of a newly born child, shall be liable to penal servitude for 45 years. (2) Any woman guilty of infanticide shall be liable to penal servitude for life or for a term not exceeding 15 years. (3) Any woman guilty of attempt at infanticide shall be liable to penal servitude.

 

Section 223 du Code pénal

 Penalty for manslaughter

Any person guilty of manslaughter preceding, accompanying or following another crime shall be liable to penal servitude for life. (2) Any person who attempts to commit manslaughter in the cases mentioned in this section shall be liable to penal servitude. (3) In every other case, a person guilty of manslaughter shall be liable to penal servitude for life or for a term not exceeding 20 years.

Section 228 du Code pénal

 Assault with aggravating circumstances

Si les coups portés ou les blessures faites volontairement mais sans intention de donner la mort, l’ont pourtant occasionnée, le coupable sera puni de servitude pénale n’excédant pas 10 ans.

Section 229 du Code pénal

 Assault with premeditation

Where there has been premeditation or lying in wait, the punishment, if death has ensued, shall be penal servitude, and if death has not ensued, shall be penal servitude for a term not exceeding 10 years.