Couteau à double tranchant…

Démission de Bhadain et partielle au no 18

  • Paul Bérenger : «Nous aurons un candidat » 
  • Xavier Duval : « Je ne souhaite pas que l’opposition se divise »

Il était attendu au tournant vendredi soir lors de son intervention pendant les débats budgétaires. Le député de la circonscription no 18, Belle-Rose/Quatre-Bornes n’a pas déçu et a annoncé qu’il démissionnera à l’issue des débats devant le Committee of Supply la semaine prochaine. Pour l’instant, que ce soit du côté de l’opposition ou du gouvernement, la situation est au wait and see en attendant les décisions qui suivront  dans le sillage de cette démission.

Marwan Dawood/ Ashley Jacques

Les 42 930 électeurs de la circonscription no 18, Belle-Rose/Quatre-Bornes seront bientôt appelés aux urnes avec la démission « définitive » de Roshi Bhadain comme député de cette circonscription au Parlement.  Une démission qui résulte de son désaccord avec le projet Metro Express dans sa forme actuelle. Roshi Bhadain l’a dit à l’Assemblée Nationale, il n’est pas « convaincu » que le gouvernement changera quoi que ce soit dans le tracé de ce projet.

Élection quitte ou double

Roshi Bhadain joue gros dans cette éventuelle partielle ce qui nous amène à dire que sa démission pour provoquer une partielle est un couteau à double tranchant.  Il risque le tout pour le tout. Roshi Bhadain en est conscient, ce qui explique qu’il s’est rendu ces dernières semaines sur le terrain pour faire ce qu’on appelle à Maurice, «line ale tatt terrain avant ».  Il le dit haut et fort que «sa» circonscription est prête pour lui refaire confiance mais la réalité sur le terrain est une tout autre chose.  Roshi Bhadain a fait partie du gouvernement ces deux dernières années, il a été partie prenante de tous les scandales du gouvernement  depuis les élections de 2014 jusqu’à sa démission le 23 janvier 2017. «Li blié ? Nou non ! » disent certains habitants de cette circonscription.  Mais voilà, une autre réalité se dresse devant Roshi Bhadain.  Une défaite lors de cette partielle le privera d’un siège au Parlement qui est un sacré avantage en ce qu’il s’agit de faire entendre sa voix à la population.  Et le MSM le sait aussi… mettre Bhadain hors d’état de nuire pourrait être son objectif de campagne surtout que ce parti possède toute l’armada des facilités de l’État.

Une victoire changera le political landscaping de Maurice

Roshi Bhadain est une personne très ambitieuse.  Jocelyn Chan Low, observateur politique, ne nous dira pas le contraire. « C’est une bonne stratégie pour Bhadain de démissionner, pour montrer qu’il n’est pas d’accord avec ce projet, qui sera un véritable calvaire pour les Mauriciens. Il le fait dans un moment où le gouvernement est au plus bas », nous dit Jocelyn Chan Low. Ce dernier poursuit sur la configuration prochaine de la scène politique à venir dans le pays et pour cela il fait le saut en 2008. « Qui ne se souvient pas de la situation lors de l’élection partielle de Pravind Jugnauth au no 8 ? Le Parti travailliste avait soutenu sa candidature et nous avons fini par voir naître une alliance entre eux. Qui nous dit que cela ne sera une nouvelle fois pas le cas avec le gouvernement qui soutient un candidat de l’opposition? », Analyse Jocelyn Chan Low.

Une victoire de Roshi Bhadain changera à coup sûr le visage politique à Maurice et signifiera que la population sanctionne le gouvernement et démontre aussi que le Métro Express ne passe pas.

L’unité de l’opposition menacée

Il est clair que la démission de Roshi Bhadain aura des répercussions importantes dans la configuration politique, au Parlement comme en dehors.  Si l’opposition se rassemble derrière Roshi Bhadain, un retour de ce dernier au Parlement sera alors une certitude. « Cette situation va faire de Bhadain un monstre politique », explique Jocelyn Chan Low.

Du côté du gouvernement, Manish Gobin, chief whip et membre du MSM, a voulu être prudent en commentant sur l’éventualité d’une possible démission de Roshi Bhadain comme député à l’Assemblée nationale. Il affirme qu’à ce stade, le MSM ne pourrait ni se prononcer ni prendre une décision sur la base de spéculations. « Au moment approprié, l’Alliance gouvernementale prendra une décision à ce sujet, qui sera aussi dans l’intérêt national », précise Manish Gobin.

À ce stade, seul le MMM s’est prononcé.  Il alignera un candidat pour cette partielle. Le leader du parti, Paul Bérenger l’a affirmé hier : « Li définitif nu pou mette ène candidat. Nou éna en tete kisanla li pou été. Nou attane nou gété ». Ce candidat, apprend-t-on, pourrait être de Vijay Makhan, lui qui avait brigué les suffrages dans cette circonscription en 2010, terminant quatrième, avec un écart de seulement 845 votes derrière Nita Deerpalsing, candidate de l’Alliance de L’Avenir.

Patrick Assirvaden, le président  du Parti travailliste (Ptr), estime pour sa part qu’il n’y a eu aucune démission de Roshi Bhadain jusqu’ici et que c’est juste un effet d’annonce. Il précise toutefois que dans l’éventualité d’une réelle démission de Bhadain et la tenue probable d’une élection partielle au no 18 (Belle-Rose/Quatre-Bornes), la décision finale reviendrait aux membres du Bureau politique du PTr de statuer si le parti compte aligner un candidat ou pas à ce scrutin. « Il ne faut pas oublier que Roshi Bhadain est un ex-député de l’Alliance Lepep. Nous allons prendre une décision qui sera à la fois bénéfique à la population et au Parti travailliste », affirme le président des rouges.

Le leader de l’opposition et du PMSD, Xavier Duval, interrogé par Sunday Times, se garde de tout commentaire, si ce n’est pour nous dire qu’il « craint » pour l’unité de l’opposition. « Je ne souhaite pas que l’opposition se divise. Nous faisons bien au Parlement, nous sommes une bonne équipe. Si nous nous divisons, cela fera le jeu du gouvernement, mais je vais me prononcer une fois que le gouvernement aura réagi et que Roshi Bhadain aura démissionné. »

Du côté du Mouvement Patriotique (MP), son leader Alan Ganoo précise n’avoir pris aucune décision jusqu’ici. « Les membres du Bureau politique du MP se réuniront à la suite de la démission de Bhadain et nous prendrons les décisions qui s’imposent. Nous allons également considérer la possibilité de consulter les autres membres de l’opposition en vue d’une action concertée. » 

Les élections prévues pour quand ?

Avec l’annonce de Roshi Bhadain, une seule question trotte dans la tête des Mauriciens. Quand se tiendront les élections ? Il faudra pour cela attendre que le député démissionne effectivement, ce qui déclenchera l’application de la section 57 de la Constitution, qui stipule que « Where the seat of a member of the Assembly becomes vacant otherwise than by reason of a dissolution of Parliament under section 57 of the Constitution, the Speaker of the Assembly […] shall give written notice (a) in the case of a vacancy under section 42 to the President and the [Electoral] Commission within 15 days of being notified of the vacancy by the Registrar. » La section 42 de la Representation of People Act stipule quant à elle que « The President, acting in accordance with the advice of the Prime Minister, shall, within 55 days of being notified under section 40(a) of the occurrence of a vacancy, issue a writ of election for the purpose of electing a member in the place of the person who has been declared to have been unduly returned or elected ».

Prenant en compte le fait que la Speaker aura 15 jours pour informer le bureau de la présidente de la République ainsi que la Commission Electorale du siège vacant.  La présidente agira sous le conseil du Premier ministre et aura un délai de 55 jours de la date où elle a été informée pour émettre les writs of elections. Les élections peuvent alors se tenir dans un délai de 9 mois à partir de la date où Roshi Bhadain soumettra sa lettre de démission.  Sachant que la popularité de son gouvernement n’est pas au top, Pravind Jugnauth pourrait choisir de tenir jusqu’au bout et tenir la partielle en 2018, soit un an avant les élections générales.