Coque partiellement pourrie, trous dans les ‘frames’ et absence de ‘sea worthiness certificate’ : Qui a autorisé le maintien en opération du Sir Gaëtan ?

Bien que certains manquements aient été notés dans le « Ships in Service Survey Report » rédigé par Johnny Lam Kai Leung sur l’état du Sir Gaëtan, ce rapport met quand même en évidence son état déplorable. Ce qui explique pourquoi le ‘tug’, déjà déclassifié, n’arrivait toujours pas à obtenir de ‘sea worthiness certificate’. Malgré les réparations préconisées, rien n’aurait été fait pour y remédier, insiste notre source. Ce qui fait qu’au moment de son naufrage le 31 août, le Sir Gaëtan n’était pas en état d’effectuer des opérations, surtout commerciales. Qui a donc pris la responsabilité d’autoriser le ‘tug’ à poursuivre ses activités au port et ailleurs tout en sachant que son état ne le permettait pas ? La « Court of Investigation » sur le naufrage du Sir Gaëtan sera appelée à situer cette responsabilité, entre autres.

Selon ce rapport, plusieurs parties de la coque du remorqueur étaient mal en point ou carrément pourries. Des trous ont aussi été notés sur certains ‘frames’ qui sont fixés sur la coque du remorqueur. Ce sont ces ‘frames’ qui protègent généralement la coque d’un bateau des effets corrosifs de l’eau salée de la mer. Raison pour laquelle ces ‘frames’ doivent être systématiquement changés après chaque opération en mer, nous explique une source. Or, il s’avère, selon ce rapport, que certains ‘frames’ du Sir Gaëtan étaient soit usés ou abîmés soit carrément troués.

Johnny Lam Kai Leung mentionne ainsi, à différentes reprises, de « Corrosion and wastage of the ship side between frames F 31/ 32 – F 37/ 38. To crop and replace by insert in view of CAC completion », « Wasted and holed bottom plating of accomodations over 200 mm on Port and stbd sides to be repaired in view of CAC completion » ou encore « Renewed corroded and holed bottom part of fwd bulkhead at frame F 21/ F 22 by insert of 100 x 900 x 6 mm ». Ce qui est jugé comme étant très grave, puisqu’il signifie que la coque de Sir Gaëtan était directement en contact avec de l’eau salée et continuellement exposée à la corrosion et aux frictions. Cela constitue un véritable problème de sécurité et pouvant mettre en cause la navigabilité du ‘tug’. Ce qui pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi l’octroi d’un ‘sea worthiness certificate’ lui a été refusé.

Notre source dit, par ailleurs ne pas comprendre pourquoi sous le chapitre « Life-saving appliances », le rapport ne fait mention que de « communications », soit du système d’alarme, alors que d’autres facteurs devraient aussi être pris en considération, dont les gilets de sauvetage. Autre fait qui interpelle : le « thickness measurements of suspect areas » tel que mentionné à la page 12 du rapport. De quoi s’agit-il exactement ? Difficile de dire puisqu’un rapport séparé y avait été consacré et qui a été envoyé séparément, plus précisément par voie électronique. Ce qui ne rassure guère…

La responsabilité de la direction de la MPA engagée

La responsabilité des dirigeants et des responsables de la MPA est pleinement engagée dans cette affaire. Qui, au sein de la direction, a autorisé le maintien des opérations du remorqueur alors qu’il était, selon toute probabilité, hors d’usage ? Les responsables de la MPA ont-ils mis volontairement la vie de l’équipage en danger, sachant que le Sir Gaëtan n’était pas apte à faire des trajets à buts purement commerciaux, surtout en dehors du port ? La « Court of Investigation » devra y trancher, d’autant que ce drame a fait trois morts et un disparu.

Court of Investigation sur le Wakashio

L’assesseur Johnny Lam Kai Leung est-il en au centre d’un conflit d’intérêts ?

Depuis qu’un rapport sur l’état du remorqueur Sir Gaëtan circule dans certains milieux portuaires, une question préoccupe : Johnny Lam Kai Leung pourra-t-il remplir sa mission en tant qu’assesseur au sein de la « Court of Investigation » sur le Wakashio en toute indépendance, vu le rôle qu’il a joué pour que le ‘tug’ Sir Gaëtan, impliqué directement ou indirectement dans des opérations autour du Wakashio, puisse obtenir un ‘sea worthiness certificate’ ?

Portant le sceau de Bureau Veritas, le rapport sur l’état du remorqueur Sir Gaëtan a été rédigé par le ‘Surveyor’ Johnny Lam Kai Leung et soumis le 1er juillet 2020. Ce rapport avait visiblement été commandé, non seulement pour connaître l’état du remorqueur mais aussi en vue d’assurer que des réparations nécessaires puissent être effectuées sur le ‘tug’ pour qu’il puisse avoir un ‘sea worthiness certificate’. Le Sir Gaëtan, on le sait, a été impliqué à plusieurs reprises dans des opérations autour du Wakashio. Le hic, c’est qu’à chaque fois que le rôle du ‘tug’ sera évoqué lors des travaux de la « Court of Investigation » sur le Wakashio, Johnny Lam Kai Leung risque de se retrouver dans une situation conflictuelle.

En effet, les services de ce ‘Marine Surveyor’ étaient toujours, ou presque, retenus quand des « ships in service survey report » étaient requis sur les remorqueurs de la MPA. Certains se demandent ainsi, en toute logique, si l’assesseur pourra éventuellement porter un jugement sur l’implication de Sir Gaëtan dans les opérations suivant le naufrage et le déversement d’hydrocarbures du Wakashio ainsi que sur la MPA. Johnny Lam Kai Leung a-t-il décliné ses intérêts avant d’accepter la responsabilité d’assesseur ?

Les regards seront également braqués sur l’ancien juge Abdurafeek Hamuth. Quelle position adoptera-t-il ? Exigera-t-il le remplacement de cet assesseur ? C’est une question épineuse sur laquelle il lui faudra trancher dans les plus brefs délais, d’autant que c’est un sujet auquel le public mauricien ainsi que la communauté internationale s’intéressent de près. Toute perception que les travaux ne se déroulent pas dans la transparence et le professionnalisme pourrait éventuellement jeter le discrédit sur la « Court of Investigation » et son rapport, mais aussi sur le gouvernement…