Camp La Savanne, Henrietta : La traversée de tous les dangers

À quelques kilomètres à peine du centre-ville de Vacoas, en passant par les quartiers de Diolle et de Glen Park en direction du ‘viewpoint’ des Sept Cascades, une petite communauté vit paisiblement… sauf que les habitants sont tellement isolés dans leur coin qu’on a tendance à oublier leur existence. C’est certainement le cas de le dire, dans la mesure où cet endroit, du nom de Camp La Savanne, est privé de tout développement d’ordre public et cela depuis maintenant des décennies. Si une lueur d’espoir s’était allumée il y a quelques mois, aujourd’hui celle-ci s’est éteinte. Reportage…

Marwan Dawood

Dans cette petite communauté composée de quelques centaines d’habitants, les moyens de transport sont très restreints. Pas de ligne d’autobus, un accès difficile en voiture, de longues marches, des routes qui laissent à désirer… Le pire toutefois pour les habitants : la traversée d’une rivière qui s’avère être un vrai danger. Le comble est que les habitants ont le sentiment que les autorités, dont le ministère des  Infrastructures publiques ainsi que la municipalité de Vacoas-Phoenix, se « foutent de nos gueules ».

Il est 17 h 30 lorsque nous arrivons enfin à Camp La Savanne, en plein milieu de semaine. Les habitants arrivent un à un chez eux et d’une hauteur, nous arrivons à comprendre sans difficulté de quoi se plaignent-ils.

Empruntant un long passage poussiéreux et boueux par endroits, Mary-Jane Hermini vient de finir sa journée au travail et marque une courte pause avant de nous parler. « C’est un calvaire quotidien. Un jour, un enfant ou un adulte se fera tuer pour que les autorités comprennent que nous avons vraiment besoin d’un passage sur la rivière », dit cette mère de famille.

Alors que le soleil se couche à l’arrière du magnifique décor trompeur des fameuses Sept Cascades, Mary-Jane explique pourquoi elle préfère, malgré le danger, traverser le pont en bois de fortune construit par les habitants eux-mêmes. « Si nou ena transport, nou pou passe lott coté par enn longue détour, entre karo canne ek cascades. Mais pou marché là-bas, surtout l’heure ki nou sorti travail, li difficile. Li dangereux, toute sorte kalité dimoune vine la ek nou pas capave marché tousel. Sirtou péna la limière, nanié », explique Mary-Jane.

Au même moment, des enfants jouaient dans la rue. « Enn jardin, enn place péna pou zenfan kapav amuse zot. Pendant vacances, zot fini zot letemps lor simé. Minis la pas conné ki nou ress la ? Selma kan élections vini, zot pou découvert Lamerik lor map ! », dit-elle.

Au beau milieu de cette rivière, un énorme bloc de béton et des traces du passage des bulldozers qui ont rasé arbres et buissons.  À quoi sert ce bloc de béton ? Les habitants nous expliquent que « La municipalité a commencé des travaux pour construire un pont convenable, mais cela fait maintenant deux mois ou plus que les travaux ont été complètement stoppés », disent-ils.

«Nou pé attane zot de pied ferme »

Jean-Claude Chaton, un autre habitant, se joint alors à nous. Ce dernier habite le quartier depuis sa tendre enfance. « Il n’y a jamais eu de développement chez nous. Pourtant, comme les citadins de cette ville, nous payons la taxe municipale mais nous sommes toujours les grands oubliés du développement », dit-il. Ce dernier nous montre alors une liste de projets qu’a fait circuler la municipalité et les fonds alloués pour chaque projet, mais force est de constater que Camp La Savanne ne figure pas sur cette liste.

Cet habitant se plaint également de la même chose que Mary-Jane. Les enfants doivent passer sur une structure qui n’offre aucune sécurité pour pouvoir rejoindre la route principale pour aller à l’école.  « Bizin gété couma li danzéré. Si ena la pli, zenfant bizin absente lékol. Si forcé pou traversé, ena risque tombe dan dilo ! Kan gro la pli, ena inondation, pas capave ale travail, bizin ress lakaze.  Tousala, missié ministre la pas conne sa li. Li conné kan elektion vini, zot bizin ou vote. Bé dire zot vini, nou pé attane zot de pied ferme ! », dit Jean-Claude Chaton.

Accompagné de quelques enfants et de Mary-Jane, nous entamons la descente pour faire un constat de visu de cette structure en bois mise en place par les habitants.  Avec l’aide des pioches, ces derniers ont également creusé  des marches en terre pour permettre la descente et la montée de la petite falaise sur laquelle se trouvent leurs maisons. Mais un faux manœuvre peut entraîner une chute dangereuse, nous en avons témoigné nous-mêmes. La descente est rendue plus difficile avec la terre boueuse. En arrivant quelques mètres plus bas, c’est le choc ! Deux enfants traversent avec peine sur les planches qui servent de pont. Le manque de luminosité est d’autant plus inquiétant.

Mais comme rien n’arrive jamais par hasard, pendant que le gouvernement investit des milliards dans des grands projets routiers, par exemple la construction d’un pont à plus de Rs 3 milliards pour rallier Coromandel à Sorèze, l’incapacité de la municipalité et du gouvernement à construire une route correcte et un pont à Camp La Savanne nous laisse perplexe… Ironie du sort, ce quartier se trouve dans la circonscription no 16, Vacoas/Floréal, autrement dit la circonscription du ministre des Infrastructures publiques… Nando Bodha !

Sollicité à réagir, le maire de Vacoas-Phoenix, Farad Dowlut, a expliqué que le projet de construction d’un pont a été mis ‘on hold’ vu le décès de l’entrepreneur des travaux. Il réfute également les dires des habitants selon lesquels le projet dort depuis des mois. « Ce n’est que récemment que le projet a été stoppé », dit-il. En outre, vu que les habitants veulent d’un pont à tablier plat où les voitures peuvent circuler, et non plus d’un pont pédestre avec escaliers. De ce fait, le projet devra recevoir l’aval du conseil municipal. Le maire projette aussi de rencontrer les habitants sous peu.