Bilan 2020 du gouvernement : Début tumultueux de ce second mandat : Ces casseroles qui pèsent lourd dans la balance de l’opinion publique

Des casseroles, encore des casseroles. La première année du deuxième mandat de ce gouvernement tire à sa fin. Mais on ne peut pas en dire autant pour les casseroles que traînent le régime en place. Bien qu’il lui reste théoriquement quatre ans pour qu’il dirige le pays, la perception générale veut qu’il soit en fin de règne. En effet, 2020 a été aussi turbulente pour Pravind Jugnauth que l’ont été les années précédentes sous son leadership. Retour sur les plus gros des scandales qui ont tenu le pays en haleine durant toute l’année.

 

Achats d’équipements médicaux durant le confinement

Magouilles sur la souffrance du peuple

Alors que tout le monde était bien confiné chez soi durant la pandémie Covid-19, la peur et, dans certains cas, la faim au ventre, certains n’hésitaient pas à comploter sur la souffrance de tout un peuple pour se taper quelques contrats pour la fourniture de médicaments et d’équipements médicaux à travers l’‘Emergency Procurement’. Pendant que les Mauriciens au bas de l’échelle se démenaient comme un beau diable pour pouvoir bénéficier d’à peine Rs 5 100 sous le ‘Self Employment Assistance Scheme’ (SEAS), des proches du pouvoir empochaient, mine de rien, des millions et des millions de roupies.

Cette affaire a suscité évidemment pas mal de controverses, les dénonciations de l’Opposition se multipliant les unes après les autres. La nation a ainsi appris avec stupeur que des agents, dont des hôteliers comme l’incontournable Bissoon Mungroo, des propriétaires de quincailleries et des bijoutiers, sont subitement devenus millionnaires ou presque, s’ils ne l’étaient pas déjà, rien qu’en vendant des masques au gouvernement à des prix qui donnent le tournis. S’il est reproché à Ashvin Bundhun d’Hyperpharm Ltd d’avoir fourni des médicaments de qualité inférieure, la compagnie Pack & Blister a, elle, fourni une cinquantaine de respirateurs, à un demi-million de roupies, qui ne fonctionnent toujours pas !

Ces achats ont évidemment saigné à blanc les caisses de l’État. Mais les principaux concernés, dont le ministre de la Santé, n’y voient aucun mal. Guère étonnant, d’autant que l’enquête de l’ICAC piétine toujours.

 

Affaire St-Louis

Dans l’œil d’une tempête électrique

C’est une affaire qui a non seulement coûté à Ivan Collendavelloo son poste ministériel, mais qui lui brûle aussi à petit feu puisqu’elle lui tient à l’écart du cabinet ministériel. Non, ce n’est pas en regardant dans ses yeux que Pravind Jugnauth a jugé son ancien adjoint, mais en se basant plutôt sur un papier de la Banque Africaine de Développement (BAD) incriminant ce dernier. Ce papier révèle que l’ancien ‘Deputy Prime Minister’ aurait reçu de l’argent de la firme danoise ‘Burmeister & Wain Scandinavian Constractor’ pour que le contrat de la centrale St-Louis lui soit octroyé. Les éléments étaient suffisamment ‘damning’ pour que le Premier ministre révoque son no. 2 et partenaire de l’alliance gouvernementale. Une révocation qui a été suivie par d’autres au sein du CEB notamment.

L’affaire St-Louis a, pour ainsi dire, anéanti complètement le Muvman Liberater d’Ivan Collendavelloo. Il va sans dire que le MSM en a aussi pris pour son grade. Six mois plus tard cependant, et malgré le fait que l’ICAC est maintenant en possession d’une copie du rapport du cabinet d’avocats Poul Schmith, Ivan Collendavelloo n’a toujours pas été entendu par les enquêteurs tandis que d’autres suspects ont déjà été arrêtés dans le sillage de ce scandale tournant autour de Rs 700 millions. Ce qui fait croire à une tentative de cover-up.

 

Wakashio

L’incompétence du GM exposée au monde entier

L’équipage du vraquier Wakashio voulait capter le wifi. D’où son rapprochement à notre île. Ce n’est pas la première fois qu’il le faisait d’ailleurs, devait révéler le capitaine indien Sunil Kumar Nandeshwar. Au grand dam de nos autorités qui n’ont pu rien détecter. Et même le jour du naufrage, soit le 25 juillet dernier, personne n’a jugé utile de se déplacer pour aller s’enquérir des raisons qui ont amené le Wakashio près de nos côtes. Pire, même après le naufrage, les autorités ont continué à nous faire croire que tout était sous contrôle alors que tel n’était clairement plus le cas, comme nous l’a démontré les conséquences suivant l’inaction du gouvernement pendant près de deux semaines.

Ce qui devait arriver arriva. La fuite d’hydrocarbure a provoqué une marée noire sans précédent dans nos lagons, affectant l’environnement marin et écologique et entraînant dans son sillage la détresse et la désolation. D’ailleurs, il a fallu que les Mauriciens et les ONGs se mobilisent pour nettoyer les plages et les lagons. Cette catastrophe écologique, environnemental, social et économique a attiré le regard du monde entier sur nous en exposant, dans la même foulée, l’incompétence du gouvernement en place. Le ministre français Sébastien Lecornu a ouvertement égratigné la gestion de cette catastrophe par les autorités mauriciennes. Sans compter que la BBC a également fait écho de l’incompétence de nos dirigeants. Mais comme dirait l’autre, so what ?

 

Naufrage du tug Sir Gaetan

Négligence criminelle

Ce deuxième naufrage, celui du tug Sir Gaëtan, survenu le 31 août dernier après celui du Wakashio, a ému toute la population. Quatre personnes y ont trouvé la mort, incluant le Capitaine Moswadeck Bheenick. Ce deuxième naufrage aurait pu être évité si seulement les autorités avaient tiré des leçons de celui du Wakashio. Mais dans ce cas également, il semble y avoir eu négligence criminelle. Car des instructions ont été données pour que l’opération du remorquage de la barge l’Ami Constant soit maintenue malgré le temps inclément.

Plus grave encore, le Sir Gaëtan se trouvait dans un état peu enviable. Dans une correspondance datant du 19 février 2020, des skippers avaient déjà attiré l’attention du Port Master et de son adjoint à l’effet que « tug Sir Gaëtan is 27 years old and not operating at its optimum capacity, including the towing winch thus casing limitations in manoeuvring the tug ». De plus, le tug avait déjà été déclassifié et n’avait plus de “sea worthiness certificate” vu que sa coque était partiellement pourrie et qu’il y avait des trous dans ses ‘frames’, entre autres. Mais il a quand même été maintenu en opération.

À ce stade, on n’entend plus parler de l’enquête policière et encore moins de la « Court of Investigation » mise sur pied par le gouvernement. Les proches des victimes peuvent-ils s’attendre à obtenir justice ?

 

Angus Road

Couleuvre indigeste

Évidemment, il s’agit de la toute première fois qu’un Premier ministre en fonction fait l’objet d’une enquête de l’ICAC. Cela à la suite d’allégations faites contre lui concernant des transactions pour l’acquisition de ses propriétés à Angus Road, Vacoas. Mais Pravind Jugnauth tient ferme et refuse de céder sa place. Pourtant, les accusations, soutenues par des ‘documentary evidences’, contre lui sont très graves. Tellement graves qu’elles ont nécessité plusieurs PNQs, sans que les réponses ne soient fournies bien sûr. Le semblant d’explication du Premier ministre, plusieurs semaines après les premières révélations de Roshi Bhadain, n’a convaincu personne, si ce n’est que l’incriminer davantage dans l’opinion publique, d’autant qu’on n’a pas encore vu les preuves irréfutables qu’il dit détenir pour l’innocenter.

Cette affaire a fait couler beaucoup d’encre, mais n’est pas près de terminer bien qu’elle ait été temporairement reléguée au second plan. Mais ce n’est que partie remise puisque ni l’Opposition ni la presse ne veut lâcher prise alors que l’ICAC continue à faire profil bas sur cette affaire, histoire de ne pas rompre avec les vieilles habitudes. Ce qui est certain, c’est qu’aux yeux de la population, Pravind Jugnauth s’est déjà disqualifié et discrédité en tant que Premier ministre.

 

Affaire Kistnen

Victime d’une politique meurtrière ?

Cette affaire est actuellement sur toutes les lèvres. Il est maintenant clair, selon des témoignages en cour de Moka cette semaine, que l’ancien agent du MSM, Soopramanien Kistnen, ne s’était pas suicidé contrairement à ce qu’avait initialement conclu la police. Tout laisse croire qu’il a été tué, possiblement grâce à un overdose de la péthidine, avant d’être partiellement brûlé. Pourquoi et par qui ? C’est ce que devra déterminer l’enquête judiciaire. La victime, soulignons-le, voulait dénoncer des maldonnes entourant l’octroi des contrats. Le panel d’avocats, surnommé l’équipe d’Avengers, qui défend sa veuve Simla Kistnen évoque une ramification politique étendue et réclame la démission du ministre Yogida Sawmynaden. Outre d’être proche de Soopramanien Kistnen, ce dernier est aussi accusé d’emploi fictif au préjudice de Simla Kistnen.

L’affaire Kistnen donne froid dans le dos. Chaque nouveau jour apporte son lot de révélations et démasque des tentatives de cover-up, laissant souvent pantois la nation. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas au bout de ses surprises. Pendant ce temps, le Premier ministre, qui était en contact direct avec Kistnen comme démontré par un relevé des appels téléphoniques de ce dernier, dit avoir mené sa petite enquête et affirme son soutien à son ministre et colistier Yogida Sawmynaden. Ce qui lui vaudra peut-être une convocation en cour de Moka pour révéler la teneur et les conclusions de cette enquête. Quant au ministre Sawmynaden, il préfère jusqu’ici garder le silence. Pour combien de temps encore ?