Bangladais portés manquants : Un phénomène qui prend de l’ampleur

  • Leurs conditions de travail dégradantes à l’origine du problème

Nous avons à Maurice environ 40 000 travailleurs étrangers (Bangladais, Sri Lankais, Malgaches, Chinois, entre autres), qui travaillent dans plusieurs secteurs. Ces derniers quittent leurs pays et leurs familles en espérant pouvoir travailler dans de meilleures conditions et surtout, pour avoir un salaire convenable pour subvenir aux besoins de leurs familles.

Aujourd’hui, nous entendons souvent parler des mauvaises conditions de travail, des ouvriers mal payés ou maltraités. Bref, il y a un problème d’exploitation de ces étrangers. Mais de nos jours, un nouveau phénomène est venu faire son apparition : nous commençons aussi à entendre de plus en plus fréquemment de cas de disparition d’ouvriers étrangers.

Qu’est-ce qui explique ce chiffre alarmant (voir hors-texte) de disparitions des Bangladais, qui sont principalement concernés ? Nous avons sollicité les éclaircissements du travailleur social Faizal Ally Beegun et ceux du directeur du service de Labour Administration & Industrial Relations du ministère du Travail, Satiawan Nundoo.

Le travailleur social Faizal Ally Beegun dénonce d’emblée les conditions de travail de ces ouvriers, et affirme que beaucoup sont exploités. Il nous retrace le parcours d’un travailleur étranger depuis son pays d’origine jusqu’à nos rivages, et donne les raisons de leurs disparitions dans la nature.

Tout commence par les agents recruteurs. Ces derniers se rendent à l’étranger pour embaucher des travailleurs. Le Bangladesh est le plus visé. Leur objectif : les habitants des bidonvilles, qui vivent souvent dans l’extrême pauvreté. Les recruteurs font miroiter à ces pauvres gens qu’à Maurice, les choses sont différentes : ils auront du travail, ils seront bien rémunérés, et qu’ils n’auront rien à débourser, que ce soit pour le logement ou pour les aliments.

Les indigents tombent dans le piège de ces agents. Une fois à Maurice, ils sont durement rattrapés par la réalité : ils se retrouvent face à des conditions de travail dégradantes et inhumaines. Plusieurs secteurs sont concernés.

Les femmes sont particulièrement vulnérables  par le chantage et l’exploitation sexuelle des employeurs mauriciens. Le moyen de chantage le plus utilisé : la menace de la déportation. C’est donc sous la frayeur et sous les menaces que ces femmes assouvissent les pulsions sexuelles des hauts cadres ou des employeurs. Faizal Ally Beegun nous explique que ces femmes sont ensuite forcées à se faire avorter de peur d’être rejetées par leurs familles, ou bien elles sont confrontées à des maladies vénériennes.

Autre raison qui pousse les Bangladeshis ou d’autres étrangers à prendre la clef des champs : ce sont les fausses promesses, qui sont légion. Le travailleur social dit que dans les contrats qu’ils signent avant de venir à Maurice, il est stipulé que le dortoir est gratuit, idem pour les aliments, mais ce qui n’est pas le cas une fois sur le sol mauricien. Les travailleurs étrangers doivent débourser pour le dortoir et pour la nourriture, ce qui fait environ Rs 3 000 par mois. À la fin, ils ne leur reste que Rs 4 000 de leur salaire, qu’ils doivent rapatrier à leurs proches.

Toutes ces raisons, selon Faizal Ally Beegun, poussent ces Bangladais à chercher un autre emploi ailleurs où l’herbe est plus verte, mais ils sont toujours exploités.

L’impunité des employeurs

Le travailleur social remet en question l’impunité des employeurs. « Pourquoi quand le Passport and Immigration Office (PIO) effectue des descentes dans des dortoirs, les employeurs ne sont pas face à la presse, à la justice, où aux  policiers ? Ces ouvriers sont définitivement dans le dortoir des employeurs, ils sont là pour travailler, mais ils travaillent avec qui ? » Il poursuit : « Vous savez pourquoi ces employeurs n’ont jamais d’ennuis ? Parce que des fois, quand arrive l’heure de la paye, ce sont eux-mêmes qui alertent le Passport and Immigration Office (PIO) et disent à ces derniers d’effectuer une descente dans tel ou tel endroit », explique Faizal Ally Beegun.

Il dénonce aussi le trafic humain à Maurice. Ainsi, les prétendus agents emmènent ici des étrangers et les ‘vendent’ à des entreprises illégalement. Un travailleur peut coûter entre Rs 50 000 et Rs 100 000.

Le directeur du Labour Administration & Industrial Relations du ministère du Travail, Satiawan Nundoo nous explique de son côté que selon les recherches effectuées par le ministère, il a été constaté que quelque temps avant que le contrat des travailleurs ne vienne à terme, ils disparaissent de leur entreprise où ils travaillent pour chercher du boulot ailleurs dans le pays même. Après qu’ils se sont enfuis, les Bangladais commencent à faire des petits boulots tels que le jardinage ou le nettoyage, entres autres, où ils gagnent plus d’argent.

Toute disparition doit être signalée par l’employeur au Passport and Immigration Office, qui effectue à son tour des recherches. Une fois retrouvés, les employés sont traduits devant la justice et sont déportés dans les plus brefs délais. Puis, ils sont « blacklisted » et deviennent ‘persona non grata’, c’est-à-dire qu’ils ne pourront pas remettre les pieds à l’ile Maurice, même pas comme touristes. Mais Satiawan Nundoo fait ressortir que les travailleurs étrangers sont rusés, et utilisent d’autres passeports pour retourner dans le pays.

 

50 Bangladais portés manquants depuis six mois

Rien que pour les six derniers mois, nous constatons qu’il y a environ 50 Bangladais qui sont portés manquants. Selon Satiawan Nundoo, depuis que l’on a commencé à faire appel aux travailleurs étrangers à ce jour, 5 000 cas de disparitions ont été rapportés.

Nous avons essayé d’avoir le chiffre exact des Bangladais portés manquants auprès du Police Press Office, qui nous a renvoyé au Passport and Immigratrion Office (P10) qui nous a sciemment ignoré. Le PIO aurait-il peur de dévoiler les chiffres exacts ?

 

Neevedita Nundowah