Autopont de Decaen : Fissures et zones d’ombre

L’autopont de Decaen revient encore une fois sur le tapis. Après que des fissures avaient été signalées en 2019, ce n’est que maintenant que le gouvernement décide de faire le nécessaire pour faire réparer ce pont. Mais il y aurait quelques zones d’ombre…

L’autopont de Decaen relie l’autoroute au centre-ville de Port-Louis, et permet aux automobilistes venant du Sud d’éviter la place d’Armes. Sa construction avait coûté une petite fortune à l’État mauricien, soit environ Rs 320 millions. La construction s’était échelonnée sur une période de neuf mois, et il était devenu opérationnel depuis novembre 2018,

Or, des fissures avaient fait leur apparition quelque temps après. L’attention des autorités avait été attirée depuis un bon bout de temps par des internautes.

Après que le député Reza Uteem eut posé une question à l’Assemblée nationale le 13 août 2019 sur les fissures apparaissant sur l’autopont, Nando Bodha, qui était alors ministre des Infrastructures publiques, s’était voulu rassurant en affirmant que l’intégrité du pont était incontestable.

Or, ce n’est que maintenant que les autorités ont décidé de faire le nécessaire. L’autopont est actuellement fermé à la circulation depuis cette semaine-ci en raison des travaux de reconstruction. Par conséquent, plusieurs déviations sont maintenues. Les embouteillages monstres ont encore une fois fait leur apparition, surtout avec les travaux de la phase 2 du Metro-Express reliant Rose-Hill et Curepipe.

Or, la question (entre autres) se pose : qui va ‘bear the costs’ en ce qui concerne cette reconstruction ?

Le député du PTr, Osman Mahomed, qui est ingénieur civil de formation, souligne que la réparation de la partie fissurée devrait être prise en charge par l’entrepreneur des travaux.

En effet, la pratique dans ce domaine est qu’après l’achèvement des travaux, il y a une ‘defects liability period’, normalement d’une durée d’une année, qui entre en jeu : durant cette période, si une quelconque défectuosité apparait, l’entrepreneur des travaux a le choix d’effectuer les rectifications qui s’imposent.

Il y a en outre une période de garantie, normalement de dix ans, où l’entrepreneur doit rembourser le montant qui lui a été payé, ou bien il doit prendre en charge les coûts des réparations si des défectuosités apparaissent. Le commanditaire a aussi une sécurité additionnelle : le ‘Retention Money’, un pourcentage qui n’est pas payé par le commanditaire durant la ‘defects liability period’, pour obliger l’entrepreneur à effectuer les réparations qui s’imposent.

Ainsi, selon Osman Mahomed, l’attention de l’entrepreneur avait été attirée bien avant la fin de la ‘defects liability period’, qui était d’une année en ce qui concerne l’autopont de Decaen, et bien avant la fin de la garantie décennale. C’est donc bien à lui que revient la responsabilité des travaux de réfection.

Durant le dernier Budget, le gouvernement avait pris la décision de réduire la période de ‘defects liability period’ d’un an à six mois, pour les projets de moins de Rs 300 millions. Cette décision avait été vertement critiquée par Osman Mahomed, qui avait pris comme exemple l’autopont de Decaen lui-même. Pour le député rouge, il s’agit là d’une décision complètement  irrationnelle et sans aucune justification.

Selon lui, dans le cas présent, il est encore heureux que  le gouvernement n’a pas encore payé le ‘Retention Money’ à l’entrepreneur, ce qui aurait singulièrement compliqué les choses. « J’espère que servira de leçon aux décideurs actuels du pays », fulmine le député.

L’ancien ministre des Infrastructures publiques, Nando Bodha, avait même avancé au Parlement en 2019 qu’à aucun moment, la Road Development Authority (RDA) ne devra assumer une quelconque responsabilité pour la réparation de l’’autopont. Selon lui, quels que soient les travaux de réparation qui auront à être effectués, ils seront sous la responsabilité plénière de l’entrepreneur.

Selon Anil Bacchoo, ancien ministre des infrastructures publiques, que nous avons joint au téléphone, « Il y aurait des zones d’ombre. Le gouvernement nous doit quelques explications. Je reviendrais sur cette affaire en temps et lieu.»

Affaire à suivre.

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