Ashraf Buxoo : « Une frustration généralisée dans le MFRS »

Le « Mauritius Fire and Rescue Services » (MFRS) se porte mal. C’est ce que soutient le président du syndicat des pompiers et le « Deputy Registry Secretary » de la GSEA, Ashraf Buxoo. Conditions de travail déplorables, recommandations du PRB non-appliquées, violation des règlements du « health and safety », la liste est longue…

 Q : Comment se portent les sapeurs-pompiers ?

Il règne actuellement une frustration généralisée au sein du « Mauritius Fire and Rescue Services » (MFRS). C’est un peu normal, vu les conditions dans lesquelles les sapeurs-pompiers travaillent. Leur frustration est légitime et je peux les comprendre. Et ces problèmes n’ont fait qu’accumuler pendant des années.

 

Q : Quels sont ces problèmes ?

Trouvez-vous normal que les sapeurs-pompiers n’aient pas eu d’uniformes pendant trois ans alors que le port de l’uniforme est obligatoire et que c’est une offense s’ils ne sont pas habillés correctement ? C’est inacceptable ! La recommandation du dernier rapport du « Pay Research Bureau » (PRB) concernant le « Performance Management Bonus » n’a pas encore été appliquée jusqu’ici. Le dossier a été référé à un « High Powered Committee » qui l’a, à son tour, renvoyé au PRB. Ce qui est inexplicable puisque le rapport a déjà été approuvé par le conseil des ministres. Donc, cette mesure doit obligatoirement être implémentée.

Deux des sapeurs-pompiers de la gente féminine ayant intégré le service depuis cinq ans déjà ont vu leur demande pour intégrer le « shift system » rejetée en raison du manque d’aménités, dont des toilettes pour femmes. Est-ce logique qu’on ait recruté des femmes depuis voilà cinq ans et qu’on n’ait toujours pas fait des provisions pour qu’elles puissent travailler sans être pénalisées ? Plusieurs stations des pompiers, dont les headquarters, font face à de sérieux « health and safety issues ». Deux postes de « Divisional Officers » ainsi que 18 postes de « station officers » sont vacants. Plusieurs « lead fire fighters », dont ceux de la « Control Room », de la « Fire Safety Division » et de la « Training Unit », n’ont toujours pas perçu d’allocation, en dépit d’une recommandation faite à cet effet dans le dernier rapport du PRB. Cette liste est non-exhaustive et je peux vous citer d’innombrables problèmes encore…

 

Q : Il y en a d’autres plus préoccupants que ceux-là ?

Il y en a effectivement ! Il y a eu 114 nouvelles recrues en janvier 2018. En décembre de la même année, elles ont été postées à la section opérationnelle. Ce qui est tout à fait logique. Or, au début de cette année, ces nouveaux sapeurs-pompiers ont été ordonnés de reprendre le « day duty », soit de 8h à 16h. Une décision insensée, d’autant qu’il y a déjà un manque d’effectifs. Avec le nombre d’interventions qui ne cesse d’augmenter, surtout en cas d’incendies, d’accidents ou de flash floods, il faut que le personnel travaille sur un « shift system ». Je ne peux que dénoncer leur mauvaise gestion des ressources humaines.

 

Q : Le MFRS octroie des « fire certificates » alors que ses propres bâtiments enfreignent les règlements. N’est-ce pas inadmissible ?

(Rires) Ne dit-on pas que les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés ? Mais c’est vrai que c’est inadmissible. Nous avons demandé à ce que la station de Port-Louis soit rénovée tout en conservant son cachet historique car elle demeure un patrimoine.  Nous réclamons aussi la délocalisation immédiate de la station de Quatre-Bornes. En ce qu’il s’agit des « headquarters » se trouvant dans la capitale, nous lançons un appel à la VPM pour qu’elle donne son feu vert à sa relocalisation dans un bâtiment qu’on a repéré à la rue Labourdonnais, à Port-Louis.

 

Q : Quid des camions et des équipements ? Le gouvernement en a-t-il fait de nouvelles acquisitions, comme promis par la VPM et ministre des Collectivités locales l’année dernière ?

Oui, le gouvernement a fait de nouvelles acquisitions, dont un « High Volume Pump » qui est utilisé pour pomper de l’eau en cas d’inondation. Cependant, il y a toujours des véhicules qui sont utilisés depuis quinze ans alors que le renouvellement doit se faire après huit ans. D’ailleurs, les douze sapeurs-pompiers ayant suivi une formation spécialisée pour l’utilisation du « High Volume Pump » attendent toujours d’obtenir leur « increment » depuis treize mois.

 

Q : Des actions concrètes ont-elles été prises depuis votre rencontre avec la VPM Fazila Jeewa-Daureeawoo ?

La rencontre a été très cordiale et elle a annoncé certaines mesures. Mais nous sommes plus concernés par leur implémentation.  Nous sommes donc en « waiting mode ». Nous attendrons de voir ce qu’il en découle avant de décider de la marche à suivre.

 

Q : La manifestation prévue pour le 30 janvier est donc annulée ?

Nous avons plutôt décidé de la renvoyer en attendant que les décisions annoncées par la VPM Fazila Jeewa-Daureeawoo soient appliquées. Mais si la situation ne s’améliore pas durant les prochains mois, nous n’aurons pas d’autre choix que de manifester. Je préviens d’ailleurs qu’il n’y aura pas d’autres négociations ou de compromis.

 

Q : Qu’est-ce que le gouvernement doit-il faire, selon vous, pour améliorer le service ?

Il faut d’abord que le MFRS soit doté d’une ambulance et d’une unité « paramedics » afin de parer à toute éventualité, mais aussi pour sauver des vies. L’introduction des motards spécialisés pouvant éteindre les flammes dans des lieux étroits est un must si nous voulons vraiment être plus efficaces. Il faut également que des « mechanical workshops » soient aménagés dans toutes les stations indistinctement. Cela permettra de résoudre des simples problèmes mécaniques dans les plus brefs délais. Outre le recrutement de plus de femmes comme sapeurs-pompiers, c’est impératif que le MFRS recrute un « Maintenance Officer » qui sera chargé de veiller à ce que les infrastructures respectent les normes. Il est tout aussi important qu’il y ait une cuisine centralisée pour préparer les repas des sapeu rs-pompiers. Très souvent, ces derniers doivent composer avec des repas avariés à leur retour des opérations de sauvetage. Des fois, il n’y a pas une seule goutte d’eau à boire. Ena bizin boire delo camion pou kapave tini ! La création d’une « Training Academy » et l’octroi des bourses pour des formations poussées à l’étranger s’avèrent de plus en plus nécessaires. Et finalement, il faut que le syndicat des pompiers soit représenté au sein du « Transfer Committee » afin qu’il y ait plus de transparence en ce qu’il s’agit des transferts.