Anguille sous roche à Angus Road

Il y a anguille sous roche à Angus Road, Vacoas. Roshi Bhadain en a rajouté une couche vendredi soir. Les nouvelles allégations qu’il a faites contre Pravind Jugnauth, preuves à l’appui, sont, de nouveau, d’une extrême gravité et ne peuvent être prises à la légère. Il ne s’agit pas que de l’individu Pravind Jugnauth dont il est question, mais avant tout du chef du gouvernement. Par ricochet, c’est l’image du pays et sa réputation en tant que centre financier, qui en prennent un énième coup. L’Union Européenne nous a à l’œil alors que notre espoir pour que Maurice sorte de sa liste noire s’amenuise devant l’ampleur de ces révélations, sachant que le pays sera jugé sur sa capacité à lutter contre la corruption. Les répercussions qui peuvent en découler pourraient être néfastes pour notre démocratie. Pravind Jugnauth, qui se targue inlassablement d’avoir les « mains propres », n’a plus le droit de garder le silence.

Tout autre Premier ministre doté d’un iota de bon sens se serait précipité, dans un tel contexte, pour communiquer, expliquer et rassurer pour apaiser la situation, déjà tendue suite à la vague de mécontentement qui souffle à travers le pays. Et c’est sans compter le déluge de critiques dont il fait l’objet à l’intérieur même de son parti et de son cabinet ministériel. Néanmoins, et comme c’est souvent le cas, Pravind Jugnauth, gageons-le, ne daignera pas s’expliquer. C’est évident puisqu’il a déjà trouvé la parfaite parade pour repousser toute question relative aux allégations de Bhadain, que ce soit au Parlement ou ailleurs. La formule est simple : l’ICAC enquête. Et quand l’ICAC ou la police enquête sur un proche du pouvoir, ou plutôt sur celui qui détient tous les pouvoirs dans ce cas précis, on peut s’attendre à ce que ce soit l’opacité qui prime, sachant que ces deux institutions ne sont plus indépendantes.

Cette stratégie visant à brandir une prétendue enquête de l’ICAC pour jeter de la poudre aux yeux de la population n’est pas nouvelle. Elle a été utilisée dans le cas du conseiller bénévole du Premier ministre, Zouberr Joomaye, quand des informations avaient surgi sur l’allocation d’un terrain de deux arpents à Coromandel à ce dernier pour un projet de clinique. L’annonce avait été faite par le ministre des Finances Renganaden Padayachy au Parlement alors qu’on s’y attendait le moins. À travers cette formule, le Premier ministre vise à faire d’une pierre deux coups. Primo, elle donne l’air qu’il « means business » sur le dossier de la corruption et secundo, elle sert de prétexte pour fuir les interpellations embarrassantes de l’opposition et aussi celles de la presse. Sauf que ce petit manège ne convainc personne, hormis la horde de « blue-eyed boys » du chef du gouvernement.

Parions-le, l’enquête de l’ICAC, s’il y en a toujours, ne mènera nulle part. La commission anti-corruption a déjà traîné les pattes pendant neuf ans sans qu’il y ait eu la moindre convocation ou interpellation. D’ailleurs, qui peut nier qu’il n’y a pas eu de tentative pour escamoter l’enquête menée par le ‘Serious Fraud Office’ de la Grande-Bretagne sur cette affaire ? Les autorités mauriciennes n’ont-elles pas mis fin, peu après les élections de 2014, à leur collaboration avec cette institution britannique ? Faut-il des experts pour nous dire que les anguilles d’Angus Road resteront sous les roches tant que ce gouvernement est au pouvoir ?