Air Mauritius : « Nosedive » inquiétant

« Le modèle économique de MK ne tient plus la route ». Cette déclaration faite par le chairman Arjoon Sudhoo, jeudi, ranime la colère des actionnaires d’Air Mauritius. Fallait-il attendre que la compagnie d’aviation nationale fasse des pertes d’un milliard de roupies pour que la direction se décide enfin à revoir son modèle économique ? D’autant que cette déclaration revient comme un leitmotiv à chaque fois qu’Air Mauritius pique du nez. D’ailleurs, dès sa nomination en mars 2015, Arjoon Sudhoo avait soutenu qu’Air Mauritius devait changer de trajectoire afin de maintenir le cap. « It is clear that continuing on the current trajectory is simply not sustainable », disait-il dans le rapport annuel 2014-2015 en prenant l’engagement de redresser la situation. Or, quatre ans plus tard, la compagnie d’aviation nationale poursuit son crash. La mauvaise performance économique de cet organisme a de quoi donner des sueurs froides. La compétence des membres du conseil d’administration est de nouveau mise en cause, les arguments avancés pour expliquer ces pertes inquiétantes ne convainquant nullement.
Durant les deux premiers trimestres de l’année financière 2018-2019, Air Mauritius a encouru des pertes de l’ordre de Rs 688 millions, soit Rs 576 millions du 1er avril au 30 juin 2018 et Rs 112 millions du 1er juillet au 30 septembre de la même année. Des pertes attribuées en grande partie au prix du carburant qui a accusé une hausse de 35% durant le premier trimestre comparé à la même période lors de la précédente année financière suivi d’une augmentation de 50% pendant le trimestre suivant. Or, durant le troisième trimestre, soit d’octobre à décembre 2018, le prix du carburant a connu une baisse, passant d’un prix moyen de USD 73, 03 le baril durant le second trimestre à USD 64. 33 le baril. Ce qui représente une réduction de plus de 10% sur le prix du carburant par baril.
En dépit de cette baisse conséquente sur le prix du carburant, les pertes enregistrées ont passé de Rs 112 millions durant le deuxième trimestre à Rs 312 millions pour la période d’octobre à décembre 2018. Ce qui indique clairement que l’argument du cours du brut ne tient pas réellement la route. Une couleuvre que les professionnels du secteur n’arrivent pas d’ailleurs à avaler. Ces derniers estiment que les membres du conseil d’administration tentent de berner la population en justifiant l’injustifiable. Ils se demandent, dans la même foulée, ce qui se passerait si le prix du carburant devait augmenter pour atteindre USD 80 le baril. « Prix carburants ine baissé ki zotte pé faire sa kantité perte la, abé si prix monter, ki pou arriver ? » se demande-t-on dans le milieu concerné.
« L’heure est grave »
Les pertes d’Air Mauritius ayant déjà atteint un milliard de roupies pour les neuf derniers mois, des opérateurs économiques craignent déjà l’impact que son bilan financier complet aura sur l’économie mauricienne. Déjà, la valeur de la compagnie d’aviation nationale sur le marché boursier a chuté lourdement vendredi pour se terminer à Rs 10, 50/ action, soit une perte de presque 7%. Une dégringolade qui risque de s’accélérer si rien n’est fait dans les plus brefs délais pour remédier à la situation. D’ailleurs, le ministre Anil Gayan a vu juste pour une fois. « L’heure est grave […] Air Mauritius ne peut plus continuer avec sa stratégie du passé si la compagnie veut aller de l’avant », a -t-il souligné lors d’une conférence de presse, hier. « Li évident ki Air Mauritius pas kapave continuer business as usual et li pas kapave continuer fer les mêmes choses et atane li à bane résultats différents. Li évident ki bizin éna ene changement dramatique dans la gestion d’Air Mauritius », a poursuivi le ministre du Tourisme qui s’inquiète surtout des conséquences que ces pertes entraîneront sur le secteur touristique. Reste à savoir combien de temps les deux firmes d’experts approchés par le conseil d’administration prendront pour aider Air Mauritius à reprendre son envol.