Affaire Saint-Louis : Le mauvais cinéma de Pravind Jugnauth

Pravind Jugnauth croit-il pouvoir manipuler le leader de l’Opposition comme bon lui semble ? Lors de la première PNQ d’Arvin Boolell axée sur l’affaire Saint-Louis le 11 juin dernier, le Premier ministre est arrivé à peine à lui fournir des éclaircissements sur le sujet. Pravind Jugnauth avait toutefois pris fait et cause pour son adjoint d’alors, Ivan Collendavelloo, ainsi que le chairman du CEB, Seety Naidoo. Sauf que celui-ci devait le contredire deux jours après en révélant qu’il était bel et bien au courant de l’enquête de la BAD. Acculé, le Premier ministre n’a eu d’autre choix que de révoquer le board du CEB le 13 juin. Pravind Jugnauth a récidivé, le 25 juin, en révoquant cette fois-ci son ‘Deputy Prime Minister’, le nom de ce dernier figurant dans le rapport dont il a eu un résumé.

Se sentant soudainement pousser des ailes puisque le nom de Paul Bérenger serait également cité dans ce document, le chef du gouvernement se croit alors permis de lancer alors un défi à Arvin Boolell : « mo espérer ki li pose moi ene PNQ lor la ». Ne voulant point se laisser dicter dans un premier temps, Arvin Boolell s’est ensuite ravisé, le sujet étant d’intérêt public, et a adressé une deuxième PNQ sur l’affaire Saint-Louis au Premier ministre le mardi 30 juin. Les événements devaient prouver qu’il ne s’agissait en fait que d’un coup monté pour attaquer le leader du MMM et que Pravind Jugnauth n’avait nullement l’intention de rendre le rapport public. Il est cependant établi, durant cette même PNQ, que le Premier ministre a enfreint la clause de confidentialité de la BAD en montrant le document à Ivan Collendavelloo.

Que s’est-il donc passé entre le 30 juin et le 3 juillet pour que Pravind Jugnauth change d’avis et décide de montrer le document au leader de l’Opposition ? Est-ce l’intervention au Parlement de Shakeel Mohamed qui a remis en doute le fait que la BAD ait remis un document à ce sujet au Premier ministre ? Cela doit avoir fait vraiment mal au chef du gouvernement pour qu’il change d’idée aussi rapidement. On ne peut néanmoins pas blâmer Arvin Boolell d’avoir refusé de consulter ce document. Pour trois raisons. Primo, parce que le document est sujette à une clause de confidentialité. Secundo, si Pravind Jugnauth a eu l’aval de la BAD pour dévoiler le contenu de ce résumé, il aurait dû toute de suite appeler le leader de l’Opposition pour le lui montrer. Et tertio, il aurait dû aussi le montrer à Paul Bérenger, à même titre qu’Ivan Collendavelloo, puisque les deux noms y figureraient.

Au lieu de faire son cinéma maintenant, le Premier ministre aurait dû tout bonnement rendre le rapport public, d’autant qu’il l’a déjà brandi au Parlement et qu’il l’aurait vraisemblablement montré à ses ministres et députés à entendre leurs déclarations à ce sujet. Les différentes postures adoptées par Pravind Jugnauth depuis l’éclatement de cette affaire trahissent son malaise. Car, malgré ses attaques as nauseam contre le PTr et le MMM, il doit savoir que le peuple ne mord pas à son hameçon. Car si ces derniers sont vraiment fautifs, pourquoi n’institue-t-il pas une commission d’enquête pour faire la lumière sur toute l’affaire ? Pourquoi Pravind Jugnauth préfère-t-il que ce soit la « cover-up » machine qu’est l’ICAC pour enquêter dessus alors que celle-ci a visiblement du mal pour avancer ? C’est tout dit…

 

Rapport de la BAD sur l’affaire St. Louis

Arvin Boolell : « Pravind Jugnauth a violé la clause de confidentialité »

Arvin Boolell nous explique qu’il a vertement refusé l’offre du Premier ministre de consulter le rapport de la Banque africaine de développement (BAD) sur l’affaire St. Louis, vu que le PM n’a pas respecté la clause de confidentialité du rapport. Il a aussi fait une demande à la BAD en tant que leader de l’Opposition pour avoir un condensé du rapport.

Pour rappel, la BAD avait diligenté une enquête sur l’affaire St. Louis, où des cadres, voire des politiciens mauriciens, auraient reçu des pots-de-vin pour favoriser la firme danoise BWSC pour le redéveloppement de la centrale de St. Louis.

Un condensé du rapport a été remis au PM, qu’il a brandi la semaine écoulée au Parlement, alors que le rapport contenait une clause de confidentialité qui stipulait que le rapport n’était destiné que pour les yeux du PM. En outre, le chef du gouvernement a aussi fuité le rapport, en lâchant les noms d’Ivan Collendavelloo et celui de Paul Bérenger comme ayant été cités dans le rapport.

Arvin Boolell est catégorique : « J’ai dit ‘Non’ au Premier ministre vu qu’il a sciemment violé la clause de confidentialité. » Le président de la BAD, souligne Arvin Boolell, avait mis l’emphase sur le fait qu’il fallait respecter  cette clause de confidentialité.

Ce refus intervient après que le PM avait demandé au leader de l’Opposition, Arvin Boolell, de consulter ce rapport, mais ce dernier avait refusé.

« Si le Premier ministre est de bonne foi, il aurait dû, en tant que Premier ministre, appeler le leader de l’Opposition dès le premier jour qu’il a reçu ce rapport de la BAD. » Même là, indique-t-il, le Premier ministre aurait dû demander la permission du président de la BAD.  « Il aurait dû expliquer à ce dernier que nous sommes une démocratie respectueux du ‘rule of law’, mais vu qu’il y avait force majeure, il doit consulter avec le leader de l’Opposition ».

« Quand vous avez un rapport confidentiel, vous ne le fuitez pas. Pravind Jugnauth dit qu’il est une personne de principe. Si c’était le cas, il n’aurait pas brandi ce rapport devant tout le monde », déclare Arvin Boolell.

Il affirme qu’il a aussi donné des informations au PM sur cette affaire, soit directement, soit à travers le Secretary to the Cabinet. « Le PM fait malheureusement fi des confidentialités », s’insurge-t-il.

Il a dit au Premier ministre qu’il retournera vers lui, après consultation avec le bureau politique du PTr et les autres chefs de file de l’Opposition.

Arvin Boolell explique qu’il a aussi envoyé un courriel suivi d’une lettre officielle en tant que leader de l’Opposition au président de la BAD, comme ce dernier le lui avait demandé.

Il est aussi revenu sur le récent point de presse de trois ministres du gouvernement. Parmi se trouvait l’Attorney-General, Maneesh Gobin, qui est censé être le garant de nos lois en tant que ministre de la Justice. « Il n’a pas le droit de faire de la politique sur une ‘legal issue’, alors que c’est le principal conseiller juridique du gouvernement », dénonce Arvin Boolell. Il n’a pas manqué d’égratigner le ministre Bobby Hurreeram, qui selon lui, ne sait que se livrer à des « agressions verbales ».

Il réitère qu’une commission d’enquête est nécessaire sur cette affaire, présidée par un juge indépendant, avec des séances en public.