Affaire BET365 : La thèse de complot tient-elle la route ?

De rebondissements en rebondissements. L’affaire Bet365 a tenu tout le pays en haleine cette semaine. Jusqu’au point de créer une division sans précédent dans le paysage médiatique mauricien. Le Yerrigadoogate a été relégué au second plan et on parle de plus en plus de lexpressgate. Et ce après les « révélations » d’Hussein Abdool Rahim à l’effet que toute cette affaire était un complot ourdi par l’Express, dont Nad Sivaramen, Axcel Chenney et Yasin Denmamode, et l’avocat Roshi Bhadain. Mais cette thèse de complot dont parle le dénonciateur tient-elle la route ? Pas forcément, selon nous. Relevons d’abord les faits.

Le jeudi 7 septembre 2017, l’auteure de ces lignes reçoit un message sur Facebook. L’expéditeur est un dénommé Hussein Abdool Rahim, un de nos « amis » sur ce réseau social mais qui, en réalité,nous est complètement étranger. Après s’être enquis de l’identité du rédacteur-en-chef de Sunday Times, il nous dit d’emblée que « pouena 1 larticle important pour cet semaine la…super important mem ». Il refuse toutefois de nous donner plus de détails car « pas cavkoz sur message !! ». Il nous appelle quelques minutes plus tard avant de venir personnellement à notre rencontre moins d’une demi-heure après, sa résidence se trouvant tout près de notre bureau, à Port-Louis. Dès le premier contact, nous constatons son agitation. Et nous lui faisons d’ailleurs la remarque. Il a peur, nous répond-il, en ajoutant également que « mo gagne extra nerf ». Nous essayons alors de le mettre à l’aise en lui garantissant, entre autres, de la confidentialité de nos échanges. C’est à ce moment qu’il nous explique qu’il a des documents explosifs contre un ministre, sans toutefois préciser le nom de celui-ci. « Bane documents pa gagne droit faire sa. Li pou tombé avec sa », poursuit-il.

« High profile »

Hussein Abdool Rahim prend également le soin de préciser qu’il fait face à un procès d’escroquerie en cour. Il nous donne des bribes d’informations qui nous poussent à conclure que les informations qu’il veut divulguer sont de taille. Nous lui conseillons alors de faire une déposition au CCID ou à l’ICAC. Ce à qu’il refuse, soutenant que « ena banne dimoune high profile ki impliqué ». Le jeune homme cherche des garanties et veut savoir comment nous allons procéder s’il décide d’aller de l’avant avec la publication de l’article.Il révèle avoir déjà pris contact avec des politiciens, dont Veda Baloomoody et Osman Mahomed, et qu’il compte rencontrer le samedi suivant Roshi Bhadain. « Mo pé envi sorti avec lartik la lundi moi. Mo pou guette l’Express », souligne-t-il. Quelques questions et bien derassurances plus tard, il prend congé de nous en promettant de reprendre contact avec nous au plus tard samedi, soit après sa rencontre avec Roshi Bhadain.

Vendredi après-midi, il répond à notre message sur Facebook en nous disant qu’il est « still en mode de réflexion la ». Et de nous avouer qu’il était « with Shakeela moment ago. Apparemment, mo énaene bombe atomique entre mes mains ». Parallèlement, il nous fait parvenir à la direction de Sunday Timesune copie du « certificate of character » écrit par Ravi Yerrigadoo à travers watsapp. Rendez-vous est même pris pour le lendemain entre Shakeel Mohamed, Eshan Juman, le directeur de Sunday Times, et lui-même. Une réunion qui n’aura finalement pas lieu. Lors d’un coup de fil que l’auteur de ces lignes lui a passé dans l’après-midi, Hussein Abdool Rahim nous avoue que « li pas pou dans mo l’intérêt kilartik là paret dimanche. Lundi ki mo pou passe à l’attaque », avoue-t-il. Ce qui est effectivement le cas, l’Express ayant barré sa Une avec le Yerrigadoogate le lundi 11 septembre. Le reste, nous le savons tous.

Complot ?

Nous sommes consciente qu’en révélant les détails de cette rencontre et nos échanges avec Hussein Abdool Rahim, nous violons le code d’éthique et de confidentialité. Mais vu la tournure qu’a prise cette affaire, nous estimons que nous faillirons à notre tâche si nous ne mettons pas les point sur les i. Nous ne savons guère ce qui s’est passé dans les locaux de la Sentinelle à Riche-Terre et nous ne jugerons pas la façon de procéder de nos confrères dans cette affaire, n’étant pas en présence de tous les faits. En revanche, l’intention d’Hussein Abdool Rahim nous paraissait suffisamment claire : celle de faire tomber Ravi Yerrigadoo et d’avoir la tête de Sylvio Sundunum. C’est ce qu’il a fait d’ailleurs. D’où nos réserves par rapport aux allégations faites à l’encontre du trio Sivaramen-Chenney-Denmamode de l’Express et de Roshi Bhadain par ce parieur professionnel.

Au fur et à mesure des révélations, les unes plus choquantes que les autres, on s’éloigne de plus en plus de l’information principale. Le fait demeure que l’ancien Attorney General a avoué avoir écrit un « certificate of character » pour blanchir un homme sur qui pèse des allégations d’escroquerie et pour lesquelles il fait face à un procès en cour. Une attitude hautement condamnable de la part de quelqu’un qui était censé être le garant de la Constitution.

 

Zahirah RADHA