Affaire Angus Road : Le dossier JAMAIS référé au DPP

  • Pravind Jugnauth a induit le Parlement en erreur, selon Arvin Boolell

« I am further informed by ICAC that a first investigation started on 15 March 2011 and was discontinued on 09 May 2011 as no evidence for offences was disclosed under the Prevention of Corruption Act or the Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act. A second investigation was started on 20 October 2013 and was discontinued on 27 June 2014 ». C’est la réponse fournie par le Premier ministre à l’Assemblée nationale suivant la PNQ du leader de l’Opposition sur l’affaire Angus Road, mardi. Une couleuvre que le Dr Arvin Boolell n’a pas digérée. « Le Premier ministre a induit le Parlement en erreur », a-t-il fustigé peu après. Selon lui, l’ICAC n’a pas l’habilité de clore un dossier sans l’aval du Bureau du Directeur des Poursuites Publiques.

C’est ce que soutiennent aussi Roshi Bhadain, qui est celui qui a révélé toute cette affaire, ainsi que d’autres légistes en s’appuyant sur la section 47(6) de la « Prevention of Corruption Act » (POCA). Celle-ci stipule que « after receipt of the opinion of the Commission, the Director-General shall submit a report to the Director of Public Prosecutions which shall include […] After consideration of the report submitted under subsection (6), the Director of Public Prosecutions may, where he does not advise prosecution or any other action, require the Commission to conduct such further inquiries as the Director of Public Prosecutions considers fit to advise ».

La grande interrogation dès lors c’est de savoir si le dossier avait été envoyé au Bureau du DPP avant que la commission anti-corruption ne décide d’arrêter l’enquête en mai 2011 et subséquemment en juin 2014, comme l’a affirmé Pravind Jugnauth. Le DPP, Me Satyajit Boolell, étant la seule personne pouvant y répondre, nous lui avons posé la question à travers une correspondance officielle datée du 19 novembre 2020. La réponse qu’il nous a fait parvenir le lendemain, soit le vendredi 20 novembre 2020, est sans équivoque. « We wish to inform you that the ICAC or its Director General has never, at any point in time, referred to our Office any file pertaining to any investigation into a purchase of immovable property at Angus Road, Vacoas », nous répond la responsable de communication du Bureau du DPP, comme l’atteste la lettre que nous publions ci-contre.

Cela ne pourrait donner lieu qu’à une seule interprétation : qu’il y a eu une tentative d’étouffer l’affaire en la tuant dans l’œuf tout en évitant le DPP car il aurait pu demander que l’enquête soit approfondie au lieu de l’arrêter.  Arvin Boolell et Roshi Bhadain maintiennent, eux, que le Premier ministre a induit le Parlement en erreur. Pravind Jugnauth a-t-il menti délibérément ou pire, y a-t-il eu connivence avec la direction de la commission anti-corruption pour déformer ou cacher la vérité ? Les interrogations se multiplient alors que les accusations contre Pravind Jugnauth s’accumulent. Le moindre que l’on puisse dire, c’est que la saga n’est pas près de terminer.

 

L’ICAC peut divulguer des informations dans l’intérêt public, selon l’ODPP

Le Bureau du DPP jette un pavé dans la mare de la commission anti-corruption. Dans la lettre qu’il nous a envoyée, il affirme qu’en vertu de la Section 81(4) de la POCA, le Directeur général peut très bien divulguer des informations d’intérêt public à la presse. Cette section précise de la POCA se lit comme suit: “Notwithstanding subsections (2) and (3), the Director-General may disclose, for the purposes of publication in the press, or to the investigatory authorities, the FIU and the supervisory authorities, such information as he considers necessary in the public interest”.

Il enfonce le clou en soutenant que “you may wish therefore to direct your other queries to the Director General of the ICAC”.  C’est ce que nous avons fait assez tardivement dans la soirée de vendredi. Nous avons cherché à savoir pourquoi, et sur l’avis de qui, l’ICAC a décidé de stopper les deux précédentes enquêtes sans avoir envoyer le dossier au DPP, comme le prévoit la loi. Nous avons également demandé à Navin Beekarry s’il n’a pas enfreint la loi en outrepassant les prérogatives du DPP. Outre des précisions sur la date et les raisons pour lesquelles l’enquête a récemment été relancée, nous lui avons aussi interrogé sur la possibilité que la commission anti-corruption convoque Pravind Jugnauth pour un interrogatoire pour des possibles délits sous la POCA ou la FIAMLA.

On verra alors si Navin Beekarry jouera le jeu de la transparence, comme le prévoit la loi, ou s’il choisira de se cacher derrière le paravent d’une prétendue confidentialité concernant une enquête en cours.

 

L’ICAC et Beekarry en instruments politiques de Pravind Jugnauth

L’ICAC n’inspire pas confiance. Et encore moins son directeur général Navin Beekarry. Ce dernier, outre d’être un nominé politique, avait déjà fait preuve de partisanerie dans l’affaire Medpoint. L’on se souvient tous comment, sous sa direction, l’ICAC avait honteusement retourné sa veste pour se ranger du côté de Pravind Jugnauth à deux mois de l’audition au Privy Council alors qu’initialement, elle s’alignait sur la position adoptée par le DPP. Navin Beekarry avait d’ailleurs fait le déplacement à Londres, en janvier 2019, pour écouter les plaidoiries dans l’affaire Medpoint tandis que les protagonistes eux-mêmes, nommément Pravind Jugnauth et le DPP Satyajit Boolell, ne s’y étaient pas rendus. Ce qui avait évidemment soulevé un tollé dans le pays.

Cette précédente volte-face de l’ICAC dirigée par Beekarry alimente les spéculations sur l’impartialité du Réduit Triangle dans l’affaire Angus Road. D’où cette préoccupation majeure : y a-t-il eu connivence entre l’ICAC et le Premier ministre pour ‘mislead’ le Parlement et mener la population en bateau ?